Jean-Jacques Vollmer

Introduction aux « Carnets des Andelys » de Jean-Jacques Vollmer 
En commençant à ranger et trier dans mon garage il y a quelques semaines (mai 2016), j'ai fait l'inventaire de mes cantines, et j'ai retrouvé des vieux carnets que je remplissais des faits de la journée, de schémas électroniques et de listes de toute nature, quand j'avais 14 – 15 ans et que j'étais en troisième et en seconde à l'EMP. J'ai commencé à les lire, puis j'ai décidé de les recopier, du moins tout ce qui concernait les « carnets de bord », la description des faits de la journée. J'ai commencé à tenir ces carnets au début de novembre 1956, l'année de troisième venait de commencer. Cela a duré 4 mois, jusqu'à fin février 1957. Le carnet étant fini, je n'en ai pas entamé d'autre, soit que j'en avais marre, soit que je n'avais plus de carnet sous la main. J'ai repris mes narrations en août 1957, donc pendant les grandes vacances que je passais chez mes parents en Lorraine, et cela a duré jusqu'en novembre. Le ton était déjà différent, on change vite quand on est ado. Après, je me suis arrêté, trouvant que cela ne rimait à rien de raconter par le menu ce qui se passait dans chaque journée, surtout quand ces journées se ressemblaient comme deux gouttes d'eau.
Pour nous occuper en dehors des heures de classe et de permanence, des « Cercles » avaient été mis en place, sans véritable réflexion, mais c'était mieux que rien : pyrogravure, auto, radio, marionnettes, reliure,...Je m'étais inscrit au « Cercle Radio », piloté en principe par un appelé du contingent dont c'était le métier, Georges Bachelart, dit « Le Chef ». Les membres plus ou moins autoproclamés, étaient, outre moi-même, Dannhauer, Bourgeois, et occasionnellement Gélis, Deschamps, Trichot, Croës et Massiat sur la fin. Par ailleurs, je faisais partie de la musique de l'EMP, je jouais du bugle.
Ces carnets de bord me font aujourd'hui une impression bizarre, presque comme si ces événements étaient arrivés à quelqu'un d'autre. Par exemple,  je ne me souvenais plus de l'importance extrême qu'avait pour moi le « Cercle Radio » en 56 – 57 : dans les carnets, il n'est question que de cela, partout et tout le temps. A croire que toute mon existence de l'époque était centrée sur ce que je faisais au cercle, et que le reste, dont je parle brièvement, n'existait que par obligation et ne revêtait donc aucun intérêt. Au début, je parle un peu de mes résultats scolaires, des profs, des encadrants, et puis, peu à peu, cela disparaît presque complètement, ou cela subsiste de manière anecdotique. J'espère que cela ne rebutera pas trop le lecteur ! Il y a en particulier deux phrases, qui reviennent chaque jour de manière répétitive :
« Après manger, je suis allé au cercle »
« Je suis allé au cercle, et j'ai allumé le feu »
Avec quelques variantes, ces deux phrases figurent au moins trente fois chacune dans les carnets, aussi en ai-je supprimé quelques unes.
Un autre point concerne Bachelart, alias « le chef », ou encore Georges, l'appelé du contingent chargé d'animer le Cercle Radio, technicien en électronique dans le civil. Il ne vient pas quand on l'attend, il ne prévient jamais de ce qu'il va faire avec nous, il est bordélique, il est colérique, pas fiable pour un sou, mais je le vénère. Pourquoi a t-il cette aura dans mon esprit de l'époque ? Il n'a pourtant que 6 ou 7 ans de plus que moi, mais à l'adolescence cela doit compter, car il est évident qu'aujourd'hui je ne le supporterais pas très longtemps. Dans ce cercle, on ne fait pas grand chose, on passe son temps à attendre « le chef », et en attendant on boit du Nescafé, on écoute de la musique et on fait beaucoup de conneries. Si, quand même, on fait quelques câblages de postes radio et un « orgue électronique », surnommé « la casserole électronique » ce qui veut tout dire, car on le bricolait avec les moyens du bord, c'est à dire du vieux matériel récupéré à droite et à gauche...
Il y a pourtant des passages amusants, relatifs justement à ces « conneries » faites pour passer le temps, aux coups faits aux copains avec qui on se bagarre parfois, aux considérations sur les gradés et la vie du collège. On ressent bien aussi, me semble t-il, combien finalement on était soumis à une discipline assez peu contraignante : on fait pratiquement ce qu'on veut, du moment qu'on respecte quelques règles fondamentales telles que : respecter les horaires, obéir aux ordres, respecter les profs et l'encadrement, avec évidemment quelques petits suppléments tels qu'astiquer ses boutons, balayer la cour et défiler au pas cadencé.


CARNETS DES ANDELYS                                       Jean-Jacques Vollmer

3/11/1956 – 28/02/1957

J'ai rédigé ces « Carnets », sorte de journal de bord, en classes de troisième et de seconde aux Andelys (années 1956 - 1957). Pour nous occuper en dehors des heures de classe et de permanence, des « Cercles » avaient été mis en place, sans véritable réflexion, mais c'était mieux que rien : pyrogravure, auto, radio, marionnettes,...
Je m'étais inscrit au « Cercle Radio », piloté en principe par un appelé du contingent dont c'était le métier, Georges Bachelart, dit « Le Chef ». Les membres plus ou moins autoproclamés, étaient, outre moi-même, Dannhauer, Bourgeois, et occasionnellement Gélis, Deschamps, Trichot, Croës et Massiat sur la fin. Par ailleurs, je faisais partie de la musique de l'EMP, je jouais du bugle.


Ci-dessus : Au cercle « Radio », activité récurrente fort éloignée de la radio. On boit un « Nes » avec des « stücks » : Bourgeois, Vollmer, Gélis. 
Ci-dessous : les trois piliers du Cercle Radio : Bourgeois, Dannhauer, Vollmer devant le baraquement du Cercle




Je retranscris tels quels les carnets que j'ai retrouvés. J'avais entre 14 et 15 ans. Je ne me souvenais plus d'avoir été aussi « accroc » à ce cercle radio, et à son animateur !
Quelques « décryptages » :
Tilap : le prof de maths
Le « PP » :      Monsieur Durand, le Professeur Principal
Domergues : prof d'anglais, surnommé le « Crapaud »
PEM : Petit Etat Major. Bâtiment réservé aux sous-officiers de l'encadrement
taober : quelque chose comme « être privé de », se faire ceinture (en parlant de nourriture). Par exemple, au goûter, si les premiers arrivés prennent tout, les derniers n'ont plus rien, ils « taobent ».
Moustache : tenancier de l'espèce d'épicerie ouverte de temps à autres à l'intérieur de l'école, où on pouvait acheter un peu de tout (gâteaux secs, bonbons, mercerie, timbres, etc)
Stücks : petits biscuits qu'on achète chez Moustache
P'tit Stück : le prof de sciences (me rappelle plus son nom)
« Roch » : orthographe personnelle du mot « rush », se précipiter sur la nourriture pour être dans les premiers à se servir. Verbe : rocher, rusher
PV, PC : privation de vacances, privation de cinéma
BB, Bébé : Bernard Bourgeois
Bauer, Pécore, Danus : Alain Dannhauer
Fritz : Frédéric Jorry
3 novembre 1956
Matinée normale. N'ai pas été interrogé en allemand. Avons joué au football. Terrain mou et sale. Tilap nous a rendu les devoirs surveillés. Ai eu 17, mais Jorry 20. Après midi, j'ai été au Cercle jusqu'à deux heures. J'ai tout nettoyé et rangé. A deux heures, nous avons eu composition de français jusqu'à 4h30. C'était assez facile. Je pense avoir réussi. J'espère avoir 15 en orthographe et 11 en CF. Après, j'ai été aux douches, et ça m'a fait du bien. Je suis allé au Cercle jusqu'à 6h30, heure reculée de l'étude à cause de la composition. J'ai terminé le plan de l'électrophone ultra-léger et j'ai fait de la soudure. Le capitaine nous a rendu visite. Il m'a donné le résultat du Conseil des classes. J'ai 13,80 et le tableau d'honneur du mois. Mais Jorry me bat avec 16,10. Il a également le tableau d'honneur. J'ai remarqué que la tension était trop forte lorsque je faisais marcher les deux fers à souder et la lampe sur le secteur. Le court-circuit déclenchait le disjoncteur. Mais je ne sais pas si c'est la cause réelle. Le travail effectif commencera demain ou lundi. Ce n'est pas trop tôt. Demain j'ai tout l'après-midi pour m'amuser au Cercle. Je vais essayer de me trouver un petit montage à faire. J'allumerai le poêle le matin, car on gèle là-dedans. J'espère ne pas taober au goûter, car la télévision marche.
4 novembre 1956
Dimanche. Je me suis levé à 7h30, un quart d'heure en retard. J'étais très fatigué. Car hier soir la télévision a duré très tard. Après le petit déjeuner, j'ai profité d'un quart d'heure de libre avant l'étude pour allumer le feu du Cercle. Pendant l'étude, j'ai demandé à aller aux WC et je suis allé au contraire ranimer le feu qui était presque éteint. Après l'étude, j'y suis allé. Il faisait très bon. Je ne suis pas allé à la messe. J'ai dessiné au tableau un autre électrophone portatif léger. Après manger, on étouffait dans le local. J'ai ouvert une fenêtre et on a fait griller des tartines. Nous avons installé la sonnette avec la résistance chauffante. Nous n'avions pas de bouton-pression. Nous avons mis alors le rhéostat à résistance insignifiante, isolée par un morceau de contre-plaqué. Nous n'avons pas eu le temps de finir tout. A 5 heures nous sommes allés à la télévision voir « 36 chansons » et Madame Bovary. J'ai écrit à Jacqueline une longue lettre. Après manger, nous sommes allés au cinéma. Ils jouaient « Les enfants du Capitaine Grant » C'était pas mal.
5 novembre 1956
Lever 6h30. Crismanovitch de semaine. Aujourd'hui nous avons Dessin, Géographie, Sciences, Anglais, Permanence et Maths. Mon dessin du jour n'avance pas. C'est très dur. Le professeur de Géo, Vilarem, qui nous avait supprimé les projections, nous en a quand même passé une. En Sciences, le professeur nous a passé des expériences très intéressantes sur la salive. Le professeur d'anglais était toujours grincheux. Il m'a dit : « Si tu ne lèves pas plus souvent le doigt, toi et Jorry aussi, je vous mets un blâme au prochain Conseil des classes. ». Aussi c'est vrai, je ne fais pas grand chose pendant ce dernier mois ; je vais me réveiller ce mois-ci. Après manger, je suis allé au Cercle essayer d'installer le potentiomètre, mais le fond s'enfonce quand on cloue, il ne marche plus et la soudure des fils ne tient pas. A 1h30 nous n'avions rien fait. De 2h à 2h45, la télévision nous a montré la respiration. Tilap hurlait comme d'habitude. A 4h je suis allé à la Musique. De 5h à 5h15 je suis allé au Cercle, le bouton pression avait été mis par Dannhauer, mais le ressort ne marchait pas. Le Chef l'a agrandi et après l'étude j'ai réussi à le mettre. Ça  marche. Le PP est venu. J'ai le tableau d'honneur et 13,60 de moyenne.
6 novembre 1956
Aujourd'hui nous avons Histoire. J'en ai profité pour écrire la lettre à Maman. En Anglais, j'ai dicté la phonétique au tableau. En Français, nous avons fait un compte-rendu de lecture de Gide. Je n'ai pas encore été interrogé en Allemand. J'en ai marre. La soupe était aujourd'hui à midi ½. J'ai essayé d'allumer le feu du Cercle, mais il n'a pas pris. Après manger nous sommes allés chercher le piano à la salle des fêtes. Il est vieux, poussiéreux, et la plupart des touches sont cassées. On va avoir du boulot. Après la petite étude où j'ai terminé la lettre à Maman et l'heure de français, nous sommes allés en sport faire des tests. Les voici : Tension 13 max, 7 min. Spiromètre : 3,2 litres. Tour de poitrine : 81 cm +, 72 cm -. Pouls normal : 72. Après effort : 110 et 3 mn après : 82. A 4 heures, je suis allé changer ma tenue de sortie. C'était fini à 6h – 20 seulement. J'ai porté la lettre au poste de police. N'ai pas eu le temps de terminer mon français, ni l'anglais. Le soir, j'ai emprunté un Sciences et Avenir à Jorry. C'est très intéressant.
7 novembre 1956
Rien de particulier. Dannhauer s'intéresse de plus en plus à l'électricité. Nous sommes trois, lui, moi et Bourgeois.
8 novembre 1956
Composition de Maths ratée. Suis en rage. Exercice préparatoire pour le 11 novembre. Après manger j'ai été au Cercle. Nous sommes allés piquer une prise au Cercle Auto. En l'installant, nous avons fait sauter les fusibles 2 fois. Le trio, nous avons commencé un poste de TSF. Il manque deux lampes.
9 novembre 1956
Nous continuons le poste. Nous avons installé le changeur d'ondes, le condensateur variable, une pièce du bloc d'accord, la barre de contact, un condensateur et deux résistances. Dannhauer essaie de prendre le plan. C'est assez difficile, vu que le poste n'est pas complet et les fils entremêlés. En Sciences, on a eu interrogation écrite sur les Diastases. A 4 heures, je suis allé chercher ma veste, ma capote et mon pantalon à la couture. J'ai blanchi et astiqué mon matériel de Musique. Je n'ai pas eu le temps d'aller au Cercle.
10 novembre 1956
Nous ne sommes que 27 en classe, car il y a 5 piqués. Rien à signaler le matin, sauf que je me suis très bien débrouillé au tableau avec Tilap. Après manger, je suis allé astiquer mes boutons pour demain. Ensuite je suis allé au Cercle, mais les douches ont interrompu mon travail. Après les douches, j'ai continué. Le poste récepteur que j'essaie de construire est plus grand que le poste modèle, d'où il y a plus de pièces, ou des plus grosses, ou des différentes. En étude, j'ai calculé ce que je pourrais acheter avec mon argent, et j'ai fait le plan du poste. Après souper il n'y avait pas étude. On est allés au cercle.
11 novembre 1956
Lever 7h15. Du lever jusqu'à 8h, heure de la messe, je me suis préparé : astiquage, etc...A 8h je suis allé à la messe, puis à la graille. Immédiatement après ; il y avait rassemblement. Après la prise d'armes où les clairons ont fait des canards énormes, nous sommes allés aux Andelys défiler. En revenant, je me suis changé, mais la soupe était tout de suite après. Je ne suis pas sorti, car le temps et la fatigue m'en empêchaient un peu. J'espère que je pourrai y aller dimanche prochain. Je suis allé au cercle. J'étais avec Dannhauer. Après manger on est allés au cinéma voir « La maison de la 92ème rue ». C'était bien. Mais j'étais crevé en me couchant.
12 novembre 1956
J'étais très fatigué ce matin en me levant. Nous n'avions pas grand chose à faire ce matin, sauf en anglais où j'ai eu 19 en prononciation. Le chef du cercle est revenu de permission ce matin. Je crois que cette fois-ci il est décidé à commencer le travail. Demain il commence les cours de théorie et m'a chargé d'allumer le feu. Malheureusement, j'ai musique. J'espère qu'il ne va pas se mettre en rogne. Il m'a déjà « engueulé » pour avoir fait sauter les 4 condensateurs, ce que d'ailleurs je n'ai pas fait tout seul. Si l'on commence le travail, le poste ne va pas vite se monter. Tant pis, nous ne serons plus désoeuvrés, du moins je l'espère. Entre 1h30 et 2h j'ai écrit à Maman. C'est bête, je n'ai pas pu lui écrire plus longuement. A 4h je suis allé à la musique pendant que les autres nettoyaient le cercle. Ouf ! Il nous a fait travailler, le chef de musique. Il n'y a pas grand chose à faire en étude. J'en ai profité pour terminer le plan du poste. Le Commandant nous a fait enlever les photos de pin-up épinglées au mur. Je m'endormirai vite, ce soir.
13 novembre 1956
En anglais, j'ai eu 3 notes : 20 - 13 – 11. Dion a rendu les compositions d'orthographe. Je m'en suis pas mal tiré : 14,5  6ème. Jorry n'a eu que 9, 17ème. Cela me remonte considérablement. Enfin j'ai été interrogé en allemand ! J'ai eu 15. Après manger je suis allé au cercle. Il n'y avait rien à faire, mais le poêle ne tirant plus, nous avons joué aux ramoneurs. Il y avait au moins 2 kg de suie dedans ! A ce compte là, il va falloir le vider toutes les 3 semaines ! Nous avons commencé les Performances, la hauteur. J'ai fait 1m 15, ce qui me donne 13. Baroudel a sauté 1,35 m. Le plus haut, 1,45 m. Il y avait musique. J'ai encore perdu mon embouchure. Je suis arrivé au cercle à 5h05. Le Chef expliquait les potentiomètres et résistances. En étude, j'ai préparé la composition de musique. Le soir, j'ai fini le Sciences et Avenir de Jorry.
14 novembre 1956
Crismanovitch a piqué une crise. Après du pas cadencé, nous devions faire une corvée à midi. Pour moi, ça a duré 5 mn au plus. Tilap a rendu les compositions, il était dans une folle colère. Gélis en a vu de toutes les couleurs. Moi qui pensais avoir 5, j'ai eu 10. Je suis 4ème. Ça me suffit, surtout que Jorry n'a eu que 4/20 ! En Instruction Militaire, nous sommes allés creuser des trous sur le terrain pour planter des arbres. Crapaud m'a encore interrogé en anglais. J'ai eu 9. Suis pas content. Il est vache. La composition de musique était relativement facile. Je suis allé au cercle. Le Chef nous a fait un cours de théorie sur les condensateurs. Je comprends maintenant pas mal de choses. En étude, j'ai fait un peu d'allemand, pour demain la composition.
15 novembre 1956
Composition d'allemand. Le vieux Lett nous a sacqués. La version était difficile, le reste pas trop. A 10h30 j'avais fini, je suis allé au cercle, mais pas longtemps, car la Musique sonnait. J'ai perdu ma deuxième embouchure. Aussi j'en emprunte à quelqu'un. Mais les compositions ont duré jusqu'à midi, et j'ai poireauté jusque là sans rien faire. Nous avons bien goûté. Le chef n'est pas venu au cercle. Les deux lampes en fer me posent beaucoup de problèmes. Je l'ai quand même résolu, du moins je l'espère, par comparaison avec celles du poste-modèle. Mais ce qui m'ennuie le plus, c'est le transformateur. Avant d'essayer le poste, je le soumettrai à l'examen du chef, car il y aura des erreurs, ça c'est sûr. En étude, je n'ai pas fait grand chose. En m'amusant avec Uhl et Rayon, j'ai perdu deux boutons, que j'ai aussitôt recousus pendant que les autres étaient à la télévision.
16 novembre
En Dessin, j'ai terminé mon dessin. Il n'est pas formidable, mais je pense avoir 11 ou 12. La composition la prochaine fois. Dion a rendu les compositions de CF, j'ai eu 12, 5ème et Jorry 10, 9ème. En Allemand, il a rendu les devoirs. J'ai 15. En Instruction Civique, on n'a rien fait. Je suis allé au cercle. Le chef est venu. Il s'est mis en colère en voyant la soudure en vrac et une petite lampe de 110 volts cassée. Il nous a pris les clés, puis quand il fut calmé, il nous les a rendues, en nous donnant une cigarette. Pour le contenter, on a ré-enroulé la soudure et rangé le cercle. Le soir, après les sciences où j'ai eu 16, je suis allé à la Musique, puis au cercle, mais il n'y avait personne.
17 novembre 1956
En E.P. Nous avons fait le poids. J'ai fait 7,80 m, ce qui me donne 15. En Maths, j'ai encore été au tableau. Après manger, je suis allé chercher ma tenue de sport au gymnase pour la mettre au lavage. Après les douches, j'ai changé de linge et je suis retourné au cercle. A 4 heures, le chef est venu. Il nous a dit qu'il s'ennuyait en Cie B. Il est aussitôt reparti chercher son goûter et il n'est pas revenu. Nous avons travaillé le poste jusqu'à l'étude. En étude j'ai fait des maths et un peu d'histoire. Après nous sommes allés au cinéma voir « Prélude à la gloire », film relatant les débuts du jeune chef d'orchestre Roberto Benzi. Je me suis couché très fatigué.
18 novembre 1956
Dimanche, j'ai décidé de sortir en ville. Dubreuil est de semaine. Il y a eu étude de 8h30 à 11h. J'ai écrit la lettre à Maman. Après l'étude, on est allés à la messe aux Andelys à pied. On est arrivés à l'Evangile. On est revenus juste pour manger. Après manger je me suis habillé et on est partis, Brun et moi, en ville. On m'avait donné des commissions à faire : Jambu, 3 paquets de gauloises, Martin 1 paquet de gauloises, Deschamps un paquet de Disque Bleu. J'avais les poches pleines. Je suis allé au cinéma. Les meilleures places coûtent 100 francs et l'on jouait « Toute la ville accuse ». C'était très bien et je me suis acheté une glace à l'entracte. Ce qui est bête, c'est qu'on a dû se presser pour rentrer à 5h30. En revenant je me suis acheté un paquet de biscuits et une tablette de chocolat pour 200 francs. Arrivés à l'école, nous nous sommes déshabillés. Ne sachant que faire, je suis allé au cercle avec Dannhauer. Il a allumé le feu. J'ai mis quelques pièces au poste. Après manger, j'y suis retourné. J'ai essayé de mettre le poste-modèle en marche, mais je n'y suis pas arrivé. Bachelart est venu. Il m'a dit de laisser le feu, car il est allé travailler tard le soir.
19 novembre 1956
Lundi. J'ai eu 12 en Dessin. Au cercle, j'ai essayé de faire marcher le poste, mais vainement. Dannhauer a allumé le feu. Nous n'avons pas eu télévision, car le dortoir étant dégueulasse, on nous a privés de télévision et de cinéma, passer l'appel en tenue de sortie, et si ça ne marchait pas mieux, 20 km samedi. On a fait les racines carrées avec Tilap. A 4h je suis allé à la Musique. Il n'y avait presque personne et 20 mn après je suis parti. Après je suis allé au cercle. Le chef y était. Il essayait de réparer un aspirateur. Je l'ai aidé. En étude, j'ai uniquement révisé la composition d'histoire. Le radiateur a fait une explosion, de la faute à Croës.
20 novembre 1956
Mardi. Composition d'Histoire ce matin. Vilarem nous a eus. En E.P. nous avons fait la résistance : le 300 m en 52'', ce qui me donne 12 environ. Après je suis allé à la Musique. Le Chef m'a donné une embouchure et m'a demandé de lui rendre l'autre, celle que j'avais perdue. Pour gagner du temps, je lui ai dit qu'elle était en haut. Je suis allé au dortoir et fouillé sans conviction dans ma veste de sortie. Ô miracle, l'embouchure était là ! Au cercle, j'ai trouvé le chef en train de réparer le poste, mais ça ne marchait pas. En étude, je n'ai fait que du français. C'était long. Au dortoir, j'ai lu Sciences et Voyages de Jorry, mais ça ne m'intéresse pas autant que S. et Avenir.
21 novembre 1956
Mercredi. En Français, on a fait une rédaction-modèle. Le matin, je m'étais battu avec Estel, à cause que je sautais sur le lit et qu'il recevait tout sur la tête. En Maths, Dannhauer est allé au tableau. En Anglais, grammaire, et en I.Militaire, Crismanovitch a distribué des PC en abondance. Pour moi, j'ai bullé. En Musique, j'ai eu 10, je suis écoeuré. Je suis allé au cercle. Je commence à m'ennuyer, il n'y a jamais quelque chose à faire. La Moustache est ouverte, j'ai acheté quelques stücks. J'ai fait mon Français pour pouvoir être libre de faire la science demain.
22 novembre 1956
Jeudi. Ce matin, il y a devoir surveillé de Maths, de 8h à 10h1/4. Tilap a été vache. C'était plutôt dur. Il fait un froid de loup, au moins -5°. Malgré cela, Coulon nous a fait jouer dehors. Je suis allé après me réchauffer au cercle où le feu était allumé. Dannhauer, vrai bébé, s'amusait à faire fondre de la soudure dans un récipient dans le feu. Moi, je m'amusais à faire rougir un clou, et les autres des ressorts. Croes était là aussi. Après manger, j'ai pris 4 tartines et suis retourné au cercle. Croes ayant du beurre, je m'en suis approprié une partie que j'ai étalé sur les tartines grillées. C'était excellent. Nous n'avons rien fait et le chef n'est pas venu. En étude, j'ai fait de la science.
23 novembre 1956
Vendredi, en permanence, j'ai fait de la science, car on avait composition l'après-midi. Il fait toujours un froid de canard. Lett a fait une interro écrite où j'ai fait 5 fautes. Après manger, j'ai continué de réviser pendant l'heure de permanence cette fameuse composition de sciences.  Pendant ce temps, Bourgeois nettoyait le poêle qui était encore plus encrassé qu'avant. Le sujet de la composition était la digestion. Je pense l'avoir bien réussie. Je suis allé à la Musique à 4 heures. Nous avons fait Haendel. A 5h je suis allé au cercle. Il y avait Bourgeois et Dannhauer, mais ils ne faisaient rien. En étude, j'ai fait ma rédaction. Après manger, j'ai joué aux petits carrés avec Croes. Jaeggy m'a prêté un bouquin.
24 novembre 1956
Samedi. Permanence. J'ai fait mon allemand. En EP, on n'a rien fait, ou plutôt on faisait ce qu'on voulait. En Allemand, il n'a pas interrogé. On a fait traîner l'heure en longueur. Pendant ce temps, Tilap faisait une interrogation écrite. Les notes sont moyennes. Il n'a pas fait d'interro dans notre groupe. J'ai reçu la lettre de Papa aujourd'hui. Au cercle, le chef avait mis une couverture sur la porte, pour empêcher le froid d'entrer. Il avait changé la table de place et apporté le catalogue. Aux douches, Plicque m'a engueulé parce que je n'avais pas donné mon linge tout de suite. Après celles-ci, nous étions 4 au cercle : Bourgeois, Dannhauer, Croes et moi. Croes avait du beurre et on a roché. Ensuite j'ai recopié les vrais prix des articles que je voulais. Après l'étude, je suis allé en 1°, car j'étais privé de cinéma (Le signe de Zorro). Nous avons eu des Maths à faire.
25 novembre 1956
Dimanche. Enfin le bon jour. Je suis de balayage au dortoir. Etude de 8h30 à 10h30. J'ai écrit à Maman. A 10h30, j'ai allumé le feu au cercle, Bourgeois m'a rejoint. Le chef est arrivé voyant le feu fumer. Il se rappela soudain quelque chose et m'emmena avec lui pour chercher des bandes feutrées pour boucher les trous du mur. Nous l'avons fait, BB et moi. Il fait déjà plus chaud. Villars et le chef sont revenus chercher du fil pour un électrophone. Ensuite, il est revenu avec Le Thielleux. On a bavardé et l'adjudant nous a parlé des cercles et de ceux qui s'intéressent. En particulier, il parle de Massiat qui est maintenant aux marionnettes. Quand il fut parti, Bachelart était en rage. Il a vidé du cercle tous ceux qui n'y venaient pas. Ceux qui restent sont Bourgeois, Dannhauer et moi. Après manger, nous y sommes retournés, mais pas longtemps car au réfectoire Le Thielleux nous avait mis en étude pour huées, de 2h à 4h. Bachelart est venu au cercle à 14h30. Plicque n'a pas été vache, il nous a laissé sortir quand on avait fini un devoir très court qu'il nous avait donné. A 3h15 je suis sorti et y suis allé. Bachelart nous a d'abord expliqué le fonctionnement de l'orgue électronique. Puis nous avons cherché un moyen de produire les contacts sans bruit. Ça nous a occupés jusqu'à 5h. A 4h nous avons roché sur le goûter : 4 tartines chacun + une barre de choc. Nous avons aussi dégagé les touches coincées. Le chef est parti à 5h30 car les 6° ont étude. Nous, nous avons terminé les touches, Bourgeois a révisé ses sciences et Dannhauer a démonté un poste émetteur. Après manger, je suis monté faire mon lit, puis nous sommes allés chercher Georges au réfectoire, car il est de semaine. On a pris un poste abîmé en 6° et nous l'avons apporté au cercle. Le chef a bricolé un peu, puis il est parti. Il nous avait promis du Nescafé, mais on n'en a pas senti l'odeur. Bah ! Tant pis ! On est monté et on s'est couché.
26 novembre 1956
Composition de dessin. Vilarem écoeuré comme d'habitude, Rollin froid et absent nous exposant son cours d'un ton triste (il est bizarre ce matin), révision d'anglais. Je suis allé au cercle. Le chef a encore apporté un poste, un miniature cette fois qui était soi-disant cassé. Il a fallu intervertir la place de deux lampes miniatures, et il marchait. Malheureusement Georges a touché le haut-parleur et crac ! Il ne marchait plus. En permanence, on est allé à la télévision voir Mozart. En Maths il a fait interrogation écrite.J'ai eu 20 (stark). Je suis allé à la Musique.
27 – 28 : rien de particulier. Le 28 au soir, nous avons rangé le cercle car Plicque va le prendre en photo.
29 novembre 1956
Jeudi aujourd'hui. La journée est très chargée. Après le balayage du dortoir, je suis descendu en classe faire le devoir surveillé. Il était assez facile. A 10 heures, je suis monté au gymnase pour me mettre en tenue pour faire le cross. Nous étions 18 à courir. Je suis arrivé 12ème, ce qui n'est pas mal. Après le cross minimes, il y avait le cross Cie B, cadets et juniors. Je ne suis pas allé les voir. Je suis allé aux douches et ensuite j'ai cherché du bois pour allumer le feu du cercle. J'en ai ramené plusieurs branches que j'ai cassées et mises dans la caisse. Ensuite, Croes, Dannhauer et Bourgeois sont venus. Croes a essayé encore une fois d'allumer le feu, mais le bois était humide.  On l'a bien rangé et après qu'il ait été bien arrangé, le chef a mis Fraisse et Croes dehors. Dix minutes après on est monté au dortoir pour se mettre en tenue de sortie pour aller voir « l'Avare », pièce de Molière. Après quelques fâcheux incidents (les grands sifflaient quand une jolie fille entrait en scène), le capitaine nous a fait la morale. En étude, j'ai révisé ma composition de géographie.
30 novembre 1956
Vendredi. En Dessin, j'ai commencé à peindre. Dion a rendu les dictées. J'ai 16 – 13. En Allemand, le vache Lett a fait une interro. Il devient méchant ces temps-ci. La compo de Géo portait sur les Alpes. Je crains m'être mis dedans jusqu'au cou : il demandait les généralités, j'ai mis tout ce que je savais dessus. Or il n'aime pas ça. Par contre il m'a dit que j'avais fait une bonne composition d'histoire alors que je m'attendais à être dans les derniers. Il faut s'attendre à tout avec lui. J'ai reçu une lettre de Papa aujourd'hui. Après manger je suis monté au dortoir sur ordre du chef pour refaire le dortoir. Il était 1h1/4 quand je suis redescendu. En Français, on s'est amusé, et en Sciences il a rendu les compos. Je suis 5ème avec 14. Suis écoeuré. A 4h je suis allé à la Musique. On a répété un peu. Dimanche on sort. C'est emmerdant. J'ai pris le livre « Les bases de la télévision » au cercle pour lire au lit. Après la Musique je suis allé au cercle. Crismanovitch nous a apporté son tourne disque en réparation. Une lampe était à changer. On n'a rien à faire en étude.
1er décembre 1956
Vendredi ou samedi. Oui, samedi, je ne me rappelais plus. Ce matin en permanence j'ai fait mon allemand et les Maths. En EP, on a fait ce qu'on voulait sur le terrain. Lett n'a pas interrogé. Il a rendu les interros. J'ai 12. Il a terminé la leçon. Tilap m'a fait aller au tableau. Après les douches, j'ai rendu mon linge et suis allé au cercle. J'ai commencé à faire l'orgue électronique, mais beaucoup de connexions me paraissent douteuses. Au goûter, Bourgeois nous a rapporté beaucoup de tartines. J'ai continué jusqu'à l'étude. Il n'y avait presque rien à faire en étude. J'ai fait des maths. Après manger, on est allé au cinéma voir « Marche glorieuse » vie du Maréchal de Lattre de Tassigny. Je me suis couché très fatigué comme d'habitude.
2 décembre 1956
Dimanche. Les gars qui allaient à Paris (JMF) se sont levés à 6h30 et ont fait un chahut du diable, je n'ai pas pu me rendormir. Tout le monde criait, une table s'est cassé la figure, etc...A 7h15 on s'est levés et allés au petit déjeuner. Ensuite je me suis mis en tenue de sortie et j'ai fait mon lit. Je suis allé au cercle allumer le feu. Il m'a fallu une demi-heure pour le faire prendre. Ensuite Dannhauer est venu et m'a dit qu'il y avait étude maintenant. Je me suis dépêché, mais en arrivant je me suis aperçu que les musiciens n'y allaient pas. Je suis allé à la Musique, ai astiqué mon bugle, et suis retourné au cercle. Je me suis aperçu avec désespoir que le feu était presque éteint. J'ai soufflé dessus et il a repris. Ensuite j'ai écrit ma lettre, ai bourré le poêle et suis monté dans le car. Aux Andelys, on inaugurait la pompe à incendie avec Mendès-France. On a défilé, puis on a bu un pot et on est revenus. Il était seulement 12h15. Je me suis vite déshabillé, puis je suis allé au cercle. Cette brêle de Bauer ne l'avait pas ranimé et il ne restait plus que quelques braises au fond. A table, j'étais en première place. Aussi me suis-je bien servi. Après manger j'ai continué à faire l'orgue électronique. J'ai placé le HP et la lampe 6V6. Cette histoire de connexion cathode-grille me fait suer. A 6h Dannhauer est allé à la télévision. Je suis resté seul. J'ai eu une terrible crise de cafard, je ne sais pas. J'ai pris un plan secret que le chef ne voulait pas nous donner. J'ai eu la visite d'Elène, Brun, etc... La radio les a attirés. J'ai découvert le cahier : « Fonds Radio ». J'ai pris les différents prix sur le catalogue. Après manger j'ai continué ce travail jusque très tard. Mais il n'y a pas eu appel.
5 décembre 1956
Lundi. Encore une nouvelle semaine qui commence...Le Temps, cette entité impalpable qui passe si vite...Je pensais avoir les résultats, mais non, rien. En Sciences, rien de particulier, et en Anglais on a commencé le livre rouge. Après manger, je suis monté au dortoir, car Crismanovitch passait une revue de chaussures. J'en ai profité pour nettoyer ma veste. Il manquait un fer à un S.O.C. J'ai dû le mettre au cloutage. En permanence, j'ai préféré rester en classe plutôt que d'aller à la télévision. Nous étions une dizaine, et manque de chance, Crisma nous a bloqués (pour ne pas être allés à la télévision, on nous prive de télévision ! Plutôt bête le copain!). Pour moi, être privé ou pas c'est la même chose, je n'y vais jamais, ce qui m'embête c'est d'aller en étude. Peut-être n'irai-je pas, car en étude Salaud est venu nous annoncer que dimanche après-midi nous faisons une sortie en car. Ces prochains dimanches donc je serai occupé : dimanche 9, sortie en car. Dimanche 16, sortie libre. A la Musique nous avons encore appris une nouvelle marche. En étude j'ai étudié les lampes radio.
6 décembre 1956
Jeudi. Devoir de Maths ce matin. Il était assez facile. S'il pouvait compter pour le trimestre, ça me remonterait beaucoup. Après le devoir, il y avait revue de détail. On a poireauté au dortoir de 10h30 à 12h. Quand Crisma qui ne se presse jamais est arrivé, il était moins 10. Il nous a dit que vu l'heure tardive, la revue de détail n'aurait pas lieu maintenant mais samedi. Tout le monde était écoeuré. Après manger, j'ai allumé le feu au cercle, puis le chef est venu. Auparavant nous étions allés au mess chercher deux postes pour les réparer. En arrivant, Bachelart nous a trouvés en plein travail. Mais les postes n'avaient rien, leur fonctionnement défectueux provenait de leur vieillesse. Il y avait un mauvais contact dans l'interrupteur, je m'en suis aperçu en prenant un coup de jus dans les mains. PM : compo = 15/20
7 décembre 1956
Vendredi. Aujourd'hui, nous n'avons fait que des moyennes. En permanence, j'ai fait quelques schémas électriques. En Français, il a rendu les CF (14,5) et il a commencé les moyennes. En Allemand, pareil. Lett nous a fait peur : « Prenez une feuille », nous a t-il dit en entrant, comme s'il allait faire une IE. C'était pour faire les moyennes. J'ai 14,53 et suis 3ème après Jorry et Decker. En Histoire, Vilarem a rendu les compos d'histoire-géo. J'ai 16, 2ème, en Histoire et 13 (3ème) en Géo. Je ne m'attendais pas à ça. Ce qui me fait 42 en moyenne, et 3ème. Au cercle, j'ai continué le montage. Bachelart n'est pas venu. En permanence, Dion est venu terminer les moyennes de Français. En Ortho, 30 et 5ème en CF 46,5 5ème. En LE 42,5 20ème. Bassot a terminé les moyennes d'histoire-géo. Moi, j'ai encore fait quelques schémas. En Sciences, on a fait le sang  et il a donné les moyennes. J'ai 14, 8ème.
Samedi. Le matin, on n'a rien fait. L'après-midi, après les douches et le changement de linge, je suis allé au cercle. Film : « Fantôme à vendre ». Bien.
Dimanche. Sommes partis à 8h pour nous amuser toute la journée dans la forêt de Louviers. Le matin, nous avons fait un jeu de piste. J'ai perdu (mon équipe). Nous avons allumé des feux et dîné sur l'herbe. L'après-midi, on a joué à différents jeux très intéressants. On est revenus à 8h.
Lundi. Tilap a fait les classements. J'ai 13,5 3ème. Avec ça, j'ai mes 14 au trim. La Musique est bien embêtante maintenant. Zéro en Maths. Tilap m'a promis deux jours.
Mardi. J'ai eu zéro avec Domergues, c'est dégueulasse. La Musique est de plus en plus embêtante. Au cercle, Bachelart n'est pas venu. Sa capote est toujours là.
Mercredi. Tilap nous a donné les moyennes du trim. Comme je le pensais, je suis 1er avec 14,11. Je suis allé au cercle, le chef n'est pas venu, mais sa capote a disparu. On a nettoyé le cercle.
Jeudi 13 décembre 1956
Je pèse 52 kg, j'ai maigri d'1kg5. Il y avait le devoir surveillé tout de suite après la pesée. C'était assez facile. Je suis allé au cercle. J'ai voulu allumer le poêle. Je n'y suis pas arrivé. BB et Dannhauer sont ensuite venus. On a alors enlevé les tuyaux pour voir ce qu'il y avait : un gros morceau de papier empêchait la fumée de sortir. Le poêle s'est bien allumé après. Le Capitaine est venu. Après manger, j'y suis retourné. Après avoir rangé le cercle, j'ai terminé l'orgue. Nous attendions Bachelart avec impatience pour pouvoir essayer l'orgue, mais il n'est pas venu. Je suis allé chercher de la craie en classe. On a renettoyé le cercle. Puis c'était le goûter. On a dessiné le radioguidage au tableau. Plicquaille a raté les photos.C'est une brêle.
Vendredi 15 décembre 1956
En Dessin, on s'est bien amusés. En Français pareil. On a fait Madame Bovary. En Allemand un thème. Encore Mozart ! En Histoire, bullante complète. Au cercle, Dannhauer a voulu mouler une pièce de 100 francs avec de la soudure. Manque de chance, elle a collé, et il a eu beaucoup de mal à l'enlever. En Français on a fait Mme Bovary et en Sciences on a ri tout ce qu'on pouvait : Ptit Stück prenait sa grosse voix, riait, était épanoui, s'embrouillait. Après le goûter je suis allé au cercle, j'ai mis des bandes de feutre dans quelques trous que j'ai encore trouvés. Puis je suis allé à la Musique où on a fait Tannhäuser. Il paraît qu'on a quand même des jours en plus. En étude, j'ai commencé les Maths ; comme je ne réussissais guère, j'ai continué les plans du Météor AM-FM. Après manger, je suis allé à la conférence du Père.
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Je n'ai rien écrit pendant les vacances de Noël passées chez mes parents en Allemagne
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Du 8 au 12 janvier 1957, je suis à l'hosto. On s'emmerde, c'est incroyable. On a mis à notre disposition des livres, mais à la fin c'est lassant, surtout que j'en ai déjà lu 4. On carotte le thermomètre s'il monte trop haut, pour pouvoir sortir plus tôt de cette maudite boîte.
Il y a encore cette épidémie de grippe, comme l'année dernière. L'infirmerie et les dortoirs sont pleins de malades, les classes se dépeuplent : en M2, nous ne sommes plus que 17 sur 32, et encore, c'est la classe la plus peuplée de Cie A. Pendant ces 4 jours, il ne se passe pas grand chose, vu qu'on dort toute la journée ou qu'on lit lorsqu'on va mieux. On raconte des histoires, des devinettes, des problèmes. Mais ces distractions sont vite lassantes, et l'on préfère encore lire. L'embêtant, c'est qu'on est à la diète ; on mange comme des oiseaux, et vu mon appétit, je préfère encore ne pas être malade.
12 janvier 1957
Aujourd'hui, je descends de l'infirmerie. Le docteur voudrait me garder encore un jour, mais comme ma température est bonne (sic), on me laisse partir. Il est vrai que depuis deux jours je préparais tout comme il fallait : « avoir une bonne température », telle était ma devise. Si le thermomètre enfreignait ces ordres, un coup sec le faisait redescendre à des températures plus raisonnables de l'ordre de 37°. Ainsi suis-je descendu de l'infirmerie. J'ai fait un paquet hâtif de toutes mes hardes et, à 9h, j'ai filé. Comme il fait très froid, tout le monde circule avec des capotes, ça fait amusant. Après avoir rangé mes affaires au dortoir et dit bonjour aux copains malades, je suis descendu (ou plutôt on m'a fait descendre) en classe. Comme il n'était pas encore 10 heures, je suis allé voir au cercle toutes les nouveautés qu'on avait faites pendant mon absence. Il fait toujours froid là-dedans, et il n'y a toujours pas de serrure. On voit bien que je n'étais pas là pendant ces 4 jours : les outils n'étaient pas rangés, il y avait un tas de fil emmêlés sur l'établi, un désordre indescriptible quoi. Ah, une chose de faite : l'orgue a été refait par Bachelart. Immédiatement, je l'ai branché, réglé, et j'ai écouté. En effet, cela va très bien maintenant , tout du moins ça va mieux qu'avec le mien : il y a de très beaux aigus et de très beaux graves, mais entre les deux ça ne va pas, et le son est très faible, je crois qu'il faudra encore l'amplifier. Comme la sortie sonnait, j'ai tout débranché et je suis allé en classe en désespoir de cause et vu le froid. Mal m'en a pris, car le professeur d'Allemand voulait m'interroger sur une leçon dont, ma foi, je ne savais pas un mot. Je me suis excusé, je lui ai expliqué le cas, et nous sommes redevenus bons copains. En Maths, Tilap n'avait pas aujourd'hui le cœur de plaisanter. J'ai dormi pendant toute l'heure. A midi, j'ai retrouvé Dannhauer qui m'a fait des révélations. Tout d'abord, Bourgeois est malade lui aussi, mais comme il est empoté, il n'a même pas pu se trouver une place à l'infirmerie, il a fallu qu'il aille au dortoir. Quel âne ! Mais passons. Bachelart a fait le montage de l'orgue, on le sait. Mais comme il a pris du matériel neuf et qu'il a fait des modifications, son montage marche mieux que le mien, d'où il en a conclu que je travaille comme un cochon. Je vais lui passer un savon, tu vas voir mon bonhomme ! Un détail maintenant : soit dit en passant, j'avais cassé l'ampèremètre avant d'aller à l'infirmerie, Bachelart s'en est aperçu, il a gueulé comme un putois (sans dégager d'odeur bien sûr). B et D l'ont réparé, et heureusement pour moi, je n'étais pas là. On a bien mangé, et après j'ai foncé au cercle allumer le feu. Comme bois, bah ! Dehors tout est mouillé ! Prenons donc dedans. J'ai pris la caisse à bois et crac, crac, crac, en trois coups de cuillère à pot, le bois était cassé, mis dans le fourneau, embrasé, et le feu était allumé. Je suis allé ensuite en vitesse aux douches (oh, ces douches!) et j'ai changé de linge. Je suis vite redescendu quoique, comme d'habitude d'ailleurs, j'aie dû aider Dannhauer à distribuer et ramasser son linge. J'ai hésité, mais j'ai quand même descendu ma casserole et du sucre. Je me suis ennuyé jusqu'à ce que Dannhauer me rejoigne. A ce moment, le café était chaud. Pourquoi me suis-je ennuyé ? Parce que je ne pouvais rien faire. Pourquoi ne pouvais-je rien faire ? Tout simplement parce que Plicque était là et s'était mis dans la tête de réparer à lui tout seul un vieux poste branlant. A 4h il a eu fini et j'ai pu (Dannhauer aussi), enfin savourer le calme et mon nescafé. Quand on est en train de casser la croûte, le temps passe vite, n'est-ce pas ? Aussi, à peine venais-je d'entamer la lecture d'un livre de radio, que la sirène retentit à mon grand déplaisir. La porte m'excita : je voulais la fermer, comme elle manque de serrure, elle préférait s'ouvrir ; aussi, à peine avais-je fait deux pas qu'elle se rouvrait. Et puis, on est bien bête de se tracasser pour une porte ! Bon ! Ça suffit ! Passons. En étude, il n'y avait pas grand chose à faire, quoique j'aie toutes les leçons à revoir et à apprendre. Bah ! L'histoire et la Géo c'est de la gnognote, l'Anglais il n'y a presque rien, l'Allemand pareil, le français pareil...oh ! Les Maths. Naturellement, toujours les Maths ah là là. Ce soir, je ferai donc de l'Anglais et de la Science. Les maths, elles peuvent attendre. Bien sûr, alors que j'avais tout fini (sauf les Maths) et que je m'apprêtais à faire de l'électricité, pan, ça sonne. Tant pis. J'ai tout rangé et suis allé manger. Après manger, qu'allais-je faire d'autre ? Je suis allé à la télévision. Je me suis couché content de ma journée. Bonne nuit ! (Entre parenthèses, ça ne sent pas très bon au dortoir avec tous les malades qui sont dedans toute la journée).
13 janvier 1957. Dimanche.
Je me disais : c'est bizarre, je me réveille avant que le clairon sonne, c'est anormal. Bien sûr ! Oh, faut-il être bête à ce point là, c'est dimanche aujourd'hui, on se lève à 7h10. Tout le monde restait couché, moi je me suis levé. Qu'ils sont fainéants, ici ! J'ai foncé au réfectoire car je trouve que taobant un peu trop souvent à mon gré, il est normal que ceux qui me font taober taobent. Donc, j'ai orgité. J'ai mangé mes 4 tartines (sans rab) et j'ai disparu. Les malades (quels fainéants décidément) avaient refermé la lumière pour pouvoir dormir, et je ne voyais rien pour faire mon lit. J'avais envie d'allumer rien que pour les embêter et entendre leurs cris écoeurés. En revenant des lavabos, j'ai redemandé à Hulot son briquet. Comme quoi il était 8h25, il m'a refusé cet honneur. Quel âne ! Il risque de s'exposer à mes représailles. Je suis descendu quand même, j'ai nettoyé la salle, vidé le poêle, rangé un peu le tas de fils rattaché à « l'orgue ». Massiat m'a demandé du feu, malheureusement je voudrais bien en avoir pour moi. Trop tard, la sirène retentit. Je me dirige vers la classe, une documentation de lampes sous le bras avec le catalogue illustré. Nous sommes allés en M1 pour l'étude. C'était SALAUD (quel beau nom) qui surveillait. J'ai expédié les Maths en deux temps trois mouvements et j'ai attaqué le sujet combien plus intéressant de l'électricité. J'en étais arrivé à un point élevé de calculs mathématiques lorsqu'une sirène me tira de l'abîme de mes méditations (ou de mon sommeil). Je pestai contre l'insolent et me dirigeai derechef vers mon vénéré cercle. J'ai allumé le feu, nettoyé, vidé, astiqué, frotté, rangé, classé, empilé, aligné, déplacé, remplacé, etc...etc...Somme toute, la matinée s'est passée en nettoyages. Après le repas, expédié en vitesse comme d'habitude, j'ai ranimé le feu défaillant. Dannhauer m'a bientôt rejoint. Nous avons installé avec grand pompe le commutateur que j'ai rapporté. Ah ! Fait bizarre, mon condensateur de 32 uF s'est volatilisé. Où est-il ? Mystère ! Le chef nous a apporté une boîte de chocolat (pas maintenant, il y a longtemps), on n'y a pas touché depuis, je ne vois pas pourquoi on ne se serait pas gêné. J'ai fait chauffer de l'eau par deux fois, on s'est fait du chocolat avec Pécore, puis du nescafé. Il est vrai que nous sommes un peu gourmands, mais pas trop. A 3 heures, Bachelart a quand même daigné venir nous voir. Il m'a écoeuré (Dannhauer aussi). Il est venu 5 minutes, m'a expliqué en gros le fonctionnement de l'orgue, puis a demandé ce qu'on faisait, et sans attendre notre réponse, il a fichu le camp en voyant Navarre dans la cour. Deux minutes plus tard, il ressortait de la Compagnie, le magnétophone à la main. Nous commencions à jouir, croyant qu'il allait venir chez nous. Pensez-vous ! Voyant notre mine déconfite et menaçante, il nous a nargué d'un pied de nez et a disparu au loin en vitesse sur ses grandes jambes, craignant sans doute mes représailles et mes excitations (pas de HP). Nous nous sommes vengés comme vous le savez sur le chocolat. Après, j'ai regardé quelques documents de ses dossiers, et j'ai entamé la lecture de la grosse théorie jusque vers 4h30. A cette heure là, Dannhauer s'est enfui à la télévision. Comme je ne peux pas travailler seul, je l'ai rejoint au bout d'une demi-heure. Nous avons vu 36 chansons avec Jean Nohain et un film télévisé : « A l'assaut du pic de la mort », un film de cow-boys. Après la soupe, je suis revenu à la télévision, on a vu un autre film : « Madame de... ». Je me suis couché sans faire mon lit, car comme d'habitude je l'avais carotté. Décidément, ça pue ! Bonsoir !
17 janvier
Je vais vous donner en gros ce qui s'est passé ces 3 derniers jours, et que je n'ai pas consigné. Lundi, rien de particulier. Le chef est en permes, nous, au cercle on s'ennuie et on se gèle. Dannhauer et Bourgeois font du »base-ball », ou du moins un jeu qu'ils ont nommé de ce nom là. Voilà en quoi cela consiste : il y a une table de chaque côté de la pièce, il y a deux règles sur les tables qui servent de raquettes, l'éponge du tableau (qui, signalons le, a diminué de volume depuis le début, une partie brûlée pour voir ce que ça faisait par Dannhauer, une autre partie coupée par Bourgeois pour voir si les ciseaux coupaient bien) sert de ballon. Chacun tient l'éponge dans la main et tape dessus avec la raquette pour essayer de marquer un but. Il y a but quand l'éponge pénètre sous la table. Ce jeu a continué lundi et mardi. Mardi soir, on s'est aperçu que le plancher avait blanchi du côté de Bourgeois. Qu'était-ce ? Tout simplement les chaussures de Bourgeois lâchaient du lest (des clous, quoi!) de temps en temps, et en se déplaçant rayaient le parquet. On en a retrouvé 9 (sic). Bah, ça ne fera qu'une gueulante de Bachelart en plus. Mercredi, enfin, Bachelart a daigné se présenter. Nous croyions qu'il n'était pas venu ces derniers jours parce que le feu ne marchait pas, mais non. Il était en permes depuis dimanche soir, car sa mère était malade. Il est alors bien excusable. Enfin jeudi est arrivé. C'est incroyable de voir avec quelle impatience j'attends ce jour là, le samedi et le dimanche. Je me suis réveillé lorsque la soupe sonnait. Naturellement je me suis dit « Quel âne ce clairon, il sonne la soupe avant le lever ! ». Le pire là dedans, c'est que Dudu arrive sur ces entrefaites et déclare qu'on devrait déjà être au réfectoire. Aussitôt, crac, boum, bang, la majorité est levée, habillée et disparue. Je n'avais pas faim, comme d'habitude d'ailleurs, et je n'ai bu qu'un bol de chocolat. Je suis vite remonté, j'ai carotté mon lit, et je me suis lavé. A 8h j'étais prêt, mais à 8h1/4 il y avait devoir surveillé. Le devoir d'Allemand était assez difficile malgré les dictionnaires et documents autorisés. J'ai fait deux faux sens et quelques fautes dans la rédaction. En tout, je suis sorti à 10h1/4 alors que je pensais sortir au bout d'une heure. Le devoir d'Anglais de la M1 était plus facile et Bourgeois est sorti avant moi. Quand je suis arrivé au cercle, Bourgeois avait allumé le feu. Dannhauer n'a pas tardé à nous rejoindre, et la première chose que nous avons faite a été de boucher le carreau cassé (c'est vrai, j'oubliais : Mercredi à 4 heures, Roch nous a cassé un carreau avec une grosse pierre) avec du carton cloué. Après, nous avons cherché différents systèmes pour fermer la porte, tous aussi abracadabrants les uns que les autres. Dannhauer (toujours lui décidément), en mettant sa capote sur la table, a fait tomber la lampe-saucisson. Pourquoi était-elle sur la table au lieu d'être suspendue ? Parce que le base-ball est un sport dangereux dans lequel les raquettes se baladent souvent dans les hauteurs de l'atmosphère. Aussi, pour plus de sécurité, l'avait-on mise dans la basse atmosphère, là où les raquettes ne vont jamais, en l'occurrence sur la table. Mais là où les raquettes ne vont pas vont les capotes, et Dannhauer en fait la douloureuse expérience en cassant notre vénérée lampe-saucisson. Pour s'en débarrasser, qu'en a t-on fait ? Tout simplement on l'a mise au feu après lui avoir ôté le culot dans lequel Dannhauer (celui-là!) a mis quelques mètres de soudure, puis du chatterton, un morceau de condensateur, ma colle (les vandales!), etc...etc...etc...Puis on a exposé au feu tout ce mélange, lequel, fondu et mélangé, nous a donné une pâte aux qualités détonantes (d'après Dannhauer) que BB et Pécore ont baptisé au Ricard : Pecbourcite, contraction de Pécore, Bourgeois et le suffixe « ite » de mélinite, cordite, cheddite etc...Après essais, le mélange n'a pas donné ce qu'on attendait, il n'a même pas dégagé de fumée ! Il faut dire que je ne me suis pas privé de les arroser d'invectives ! A midi, j'étais bien sûr le dernier à sortir. Un problème s'est présenté à moi : comment fermer la porte de l'extérieur ? Je ne pouvais pas la laisser ouverte, toute la chaleur s'en irait ! Je suis rentré, ai coupé un morceau de fil, planté un clou dehors, et après fermeture, la porte tenait (vive moi). Après manger, nous devions remonter au dortoir pour refaire le balayage et ranger les armoires. J'ai vite rangé mon armoire, pris du sucre pour le Nescafé habituel, et mon appareil photo et le flash.


Dannhauer et Bourgeois devant l'orgue électronique



Bourgeois, Bachelart et Trichot

Je suis redescendu, nous avons remis un peu d'ordre dans la pièce, mis des lampes, des condensateurs, des HP, des transfos sur l'orgue (le piano plutôt !). J'ai pris alors la photo de Dann et de Bourgeois près de l'orgue. Ensuite, il me restait encore une ampoule au magnésium, c'est Bourgeois qui a pris la photo, la même, sauf que j'étais à la place de BB. Ensuite, en faisant marcher l'orgue, nous avons fait chauffer l'eau du NES en trois temps, ou plutôt en 6 temps car la casserole est petite et les dégustateurs gourmands. Nous avons fait un « rush » sur le chocolat de Bachelart, moi surtout. A 3 heures, les deux gourmands sont allés à la télévision. Auparavant j'étais remonté chercher une deuxième fournée de sucre et remonter l'appareil, mais là, je me suis attardé un bon moment, car Crismanovitch a encore piqué une crise. Il nous a donné un certain nombre d'ordres et nous a dit les vérifications qu'il ferait, en particulier les lits. Aussitôt je me suis déchaussé et je me suis empressé de plier mes draps et couvertures, ce qui m'a pris un bon bout de temps. En bas, les autres attendaient le sucre et s'impatientaient, ce qui ne manquait pas d'être risible. Moi, je n'aime pas trop la télévision, aussi n'y suis-je point allé. Bien m'en a pris, car 5 mn après, le capitaine est venu me rendre visite. Il m'a parlé tout d'abord de la serrure et m'a promis de s'en occuper. Nous verrons bien. Il m'a enfin annoncé que Demotreux nous donne toute une camionnette de vieux matériel qu'il a encore dans son grenier, il faut simplement aller le chercher avec un véhicule. Il est tout de suite reparti. Entre 3 et 4 heures, j'ai fait un peu de rangement, j'ai dégagé quelques casiers pour notre futur matériel. A 4 heures, je ne suis pas allé goûter. Vers 3h1/2 j'étais allé en Cie B pour voir Bachelart et lui dire cela, mais l'on m'a appris qu'il était en promenade avec les 6ème. Après 4 heures, Dannhauer et Bourgeois sont venus. Ils m'ont aidé à vider les poussières dehors, et le chef est arrivé juste à ce moment là. Je lui ai dit ce que le capitaine m'avait annoncé. Contrairement à ce que je pensais, il ne fut pas tellement enthousiasmé par cela. Il nous a dit qu'on irait chercher le matériel, mais qu'il ne le faisait que pour les HP qu'on pouvait y trouver, et pour peut-être de vieux tubes cathodiques de télévision qu'il avait vus au magasin de Demotreux, et que l'électricien nous donnerait peut-être. Ça vaut quand même le coup, car un tube cathodique même vieux et un peu abîmé, vaut dans les 20000 à 30000 francs. Si l'on peut en avoir un, on s'en servira comme oscillographe. Après diverses palabres, on a fait marcher l'orgue pour étudier encore les sons et faire des modifications. Le chef a décidé d'acheter encore 9 potentiomètres de 10 K pour faire un montage meilleur. Ensuite, il nous a donné diverses indications sur son « décodeur » qu'il avait fabriqué avant de venir faire son service militaire, et divers renseignements sur Saclay. Avant de se quitter, il m'a dit qu'il enverrait un bleu m'apporter un Science et Vie traitant de l'énergie atomique, le plan de Saclay, Marcoule, etc...Pendant l'étude, je n'ai fait que lire ce bouquin. Je me suis couché, mais ça pue moins, car les malades ne sont plus si nombreux.
19 janvier 1957
Hier, il ne s'est pas passé grand chose, sinon que j'ai eu zéro en anglais, mais ça ne fait rien, ce n'est pas la mort. Au cercle, rien de particulier, si ce n'est qu'il fait froid et que le chef est venu. J'étais en train de donner du 150 volts à l'engin électronique, lorsque j'ai vu la porte bouger. Avec un peu d'attention, je me suis aperçu que c'était Bachelart. Crac crac, en un clin d'oeil j'avais abaissé le châssis et fait disparaître la résistance dans ma poche. Nous avons étudié la résonance du piano si on mettait le HP derrière. Les cordes vibrent lorsque le son est assez fort, et cela donne un résultat pas si mal. Il nous a dit de commencer à mettre les contacts sur une gamme du piano, demain ou un jour où il ferait plus chaud. A 5 heures, il a disparu pour ses bleus de 6ème. Dannhauer et Bourgeois sont partis, car frileux comme ils sont...Je suis resté encore un peu pour mettre le 150 volts. J'ai fait un essai. Il n'y a pas de changements, sauf que le son est moins fort. En étude, je n'ai fait que des Maths. Barbiquet me (pèle), ces temps-ci.
Samedi, enfin. La matinée a vite passé. Je n'ai pas été interrogé et j'ai reçu une lettre de Papa. Après manger, j'ai voulu chercher le Capitaine pour lui demander l'autorisation de prendre la camionnette tout de suite. Malheureusement, je ne l'ai pas trouvé, car, étant de semaine, il mange après nous. Je suis allé au cercle où il y avait Bourgeois. Bachelart n'était pas là, nous le voyions dans la cour en train de faire faire du pas cadencé aux 6ème. On l'entendait hurler de notre cercle. Je suis allé ensuite changer de linge tout de suite, et je suis redescendu. A ce moment, (Decis) est venu nous voir, nous disant de réparer le poste avant la fin de la semaine, sinon le Capitaine viendrait nous engueuler. Hum ! Que va dire Bachelart ? Dix minutes plus tard, un type du PEM est venu nous apporter un poste à réparer. A ce moment, il était temps d'aller aux douches, et je suis monté chercher mes affaires. Il ne faisait pas très chaud là-haut, brrr...!Je me suis dépêché de finir et suis retourné au cercle. Avec Bourgeois, on a remis un cordon au poste et on a essayé. Au bout de quelques minutes, une fumée monta du châssis. Crac ! On coupe le courant. Mais après, je n'ai pas pu voir d'où venait cette fumée. Seulement au bout de 3 essais ai-je vu la fumée sortir du transfo. A ce moment Bachelart est venu. Quand on lui a dit ce qu'avait dit Decis, il a gueulé : « Vous me remettez ce poste dans sa boîte et le renverrez d'où il est venu ». J'ai objecté : « mais vous avez enlevé la lampe de puissance ! ». « On s'en fout ! » Que répondre à cela ? Rien. Il a ensuite examiné le poste, mais à peine avait-il commencé que le Capitaine est arrivé. Il m'a dit de vider la poubelle du cercle, puis il a discuté avec Bachelart. Je n'ai pas osé demander au Capitaine la camionnette pour tout de suite, car le Commandant venait d'arriver. Bachelart lui a dit (au Capitaine) que le plus difficile serait d'avoir la camionnette pour aller chercher ce matériel. « Mais non, a répondu le Capitaine, vous n'aurez qu'à me le demander en temps voulu, et vous l'aurez. » A ce moment, le chef a voulu montrer à Messin et Mourot comme l'orgue marchait bien. Malheureusement, pour une cause inconnue, le son sortant du HP était plus rachitique que d'habitude. Le chef était écoeuré. J'attendais le départ du Commandant pour demander au Capitaine le Dodge, mais Messin est parti avec le Commandant. Tant pis ! Ensuite Bachelart, toujours écoeuré par le fonctionnement de l'orgue, l'a examiné, tourné, trituré pendant un bon quart d'heure, mais sans résultats. Nous sommes revenus au poste, et après l'avoir branché, on a vu le transfo crâmer, éjecter des étincelles, etc...Bachelart a diagnostiqué un défaut d'isolement provoquant des courts-circuits. Comme nous avons le même transfo, nous allons le changer. Bachelart, ayant une revue à passer aux bleus, est parti pendant que moi j'allais au coiffeur. Quand j'ai eu fini, il était 4h30, heure du goûter. Comme je n'ai jamais faim (vraiment bizarre), je n'y suis pas allé. Je suis monté au dortoir, car on devait le balayer. Après un bon moment d'attente, comme personne ne venait, je suis parti.Je suis allé au cercle, ai pris un livre, et en désespoir de cause je suis allé en étude où il faisait moins froid, j'ai fait un peu d'Allemand et tout ce qu'il y avait à faire. Après l'étude et la soupe, on est allés au ciné. C'était un film amusant et un peu jouisseur qui a plu à Bachelart (sic)
20 janvier 1957
Quand c'est Le Thielleux de semaine, pas moyen de rester au lit, et quand c'est Caillot qui sonne, on se réveille tout de suite, car les sons sont très loin des sons véritables, autrement dit, il fait des canards. Passons. Après un petit déjeuner expédié en vitesse, je suis remonté, ai fait mon lit, et sans aller me laver je suis descendu au cercle pour allumer le feu. Avec une seule allumette, je l'ai allumé. Heureusement que le bois est bien sec.. Seulement, c'est la dernière provision. Il n'y en a plus après cela (je sens qu'on va avoir froid ces temps-ci). Bon, je l'ai alors allumé. En attendant que le charbon ait pris, j'ai fait quelques rangements sur la table du chef. A ce moment, Bourgeois et Prével m'ont rejoint. Ne m'étant pas lavé et n'ayant pas fait le balayage, je suis remonté, confiant le feu à Bourgeois. Nous sommes ensuite allés en étude. J'ai écrit à Papa et Maman, et à Jacqueline pour son anniversaire. Après l'étude, je suis bien entendu retourné au cercle, pendant que Bourgeois allait à la messe et Dannhauer sortait avec sa mère. J'ai découpé les lamelles comme le chef nous l'avait dit, et les ai fixées sur 12 touches. Bourgeois m'a rejoint après la messe, on a fait marcher l'orgue, il a cherché du charbon, j'ai mis le reste du feutre un peu partout pour boucher les trous multiples des parois. Ensuite nous sommes allés manger. Après ce déjeuner, bien repus et bien chargés de tartines, nous sommes retournés au cercle. Malgré le poêle qui marchait depuis 8 heures,  il ne faisait pas chaud dedans la pièce. Bachelart nous avait dit d'être sans faute au cercle l'après-midi, mais à mesure que les quarts d'heures s'accumulaient sur les quarts d'heures, on ne le voyait pas venir, et l'on commençait à s'impatienter. Pour tuer le temps, comme on dit, tout d'abord nous avons essayé de brancher le HP du poste des PEM en réparation sur le poste que le Capitaine nous a donné et auquel nous avions enlevé le HP pour le mettre sur l'orgue. Malgré ma compétence et mon attention (sic), le HP ne débitait que des craquements, des sifflements, etc...En désespoir de cause, nous avons abandonné. Nous avons vu les bleus se rendre au cinéma, j'ai alors émis l'hypothèse qu'il devait les y amener et n'a ainsi pas pu venir. Bourgeois aussitôt a complété mon idée en disant qu'il était retourné voir le film. En attendant, nous avons commencé à préparer le Nescafé. Pendant que l'eau chauffait, je lisais par moments, puis j'errais à travers la pièce en discutant avec Bourgeois et en envoyant Bachelart à tous les diables. Après avoir bu un premier Nes, nous avons fait sauter un condensateur. Si Bachelart savait ça ! Ensuite, en laissant l'eau bouillir pour un second nes, nous avons décidé d'aller chercher Bachelart puisqu'il ne se décidait pas à venir. Nous avons regardé dans sa classe. Pour ne pas être autrement, son bureau était surchargé de papiers, d'affiches, de punaises, de livres, etc...Entre autres, j'ai remarqué un énorme livre de vidéo, téléphotométrie. Ce devait être un livre de son examen. J'ai également remarqué une grande Vénus de Milo affichée au-dessus de son bureau. Qu'est-ce que ça prouve ? D'autant plus que le rêve du maire l'avait vivement intéressé. Après un examen minutieux de tous les recoins de la pièce, nous sommes montés dans son alcôve. Bourgeois, toujours tête en l'air, me soutenait que son alcôve était au premier étage alors que je soutenais qu'elle était au 2ème. Comme le premier étage était fermé, nous sommes montés au 2ème. Bien sûr, comment en douter, c'était bien là son habitation. Son alcôve n'était pas très bien rangée, par contre son armoire l'était. Entre parenthèses, nous y avons relevé des tas de choses qui ne devaient pas y être et dont j'omettrai les noms. Comme Bachelart n'était pas là, nous sommes allés voir dans l'alcôve à Villars. Toujours personne ! En revenant à son alcôve, nous y avons laissé un mot l'invitant à venir au cercle, appâté par une promesse de nescafé et par l'aveu et la menace de faire sauter tous les condensateurs s'il ne venait pas. Bourgeois, pour être sûr que le papier soit visible, l'a épinglé sur un manche à balai appuyé contre l'armoire et sur le fond d'une serviette clouée sur l'armoire. Que va t-il dire ? Va t-il hurler, ou va t-il rire ? Nous sommes redescendus ensuite dans la classe. Pour le cas où il ne monterait pas dans son alcôve, nous avons écrit au tableau, reproduction textuelle :
« On vous attend au cercle. Il y a du feu et...du Nescafé »

Bourgeois et Vollmer (Dannhauer absent)
Le tout accompagné d'une tête de cheval sous lequel on voyait : « Léopard », allusion à son dessin de cheval qu'il nous avait montré une fois et qui ressemblait bien à...un léopard ! Espérons qu'il comprendra l'allusion. Nous sommes retournés au cercle, persuadés qu'il était retourné au cinéma. Nous avons bu une autre tasse de Nes. Il était 4h à ce moment. N'ayant pas faim, nous n'y sommes pas allés, nous avons observé les bleus sortant du cinéma. En effet, parmi eux, nous avons vu cet énergumène de Bachelart, et avec joie nous l'avons vu pénétrer dans sa classe. Après le goûter, un bleu est venu nous voir, nous amenant un papier de Bachelart qui disait : « Je suis très occupé, je ne peux vraiment pas venir. Je passerai. » Nous lui avons répondu un mot avec allusion aux condensateurs. Ne le voyant pas venir, nous avons décidé une nouvelle fois d'aller le chercher. En prévision de son arrivée, nous avons laissé chauffer l'eau. En essayant de nous faire remarquer le moins possible, pour pouvoir le surprendre sur le fait, pour voir quelles étaient ses occupations très urgentes. Alors que nous étions dans la cour de Cie B, nous l'avons vu sortir de la classe, plaisanter avec ses bleus, les prendre en photo, discuter, etc...C'étaient vraiment des occupations très urgentes ! Nous l'avons observé de derrière le chalet, de façon à voir sans être vus, du moins par Bachelart, car les bleus nous voyant l'ont tout de suite dit à Bachelart qui s'est approché pour voir de qui il s'agissait. Nous l'avons rejoint dans sa classe où il nous montra son autorité sur les bleus, en les engueulant sur des riens, en leur disant de se découvrir quand ils étaient dans une pièce alors que lui-même était coiffé. Je lui ai fauché quelques punaises, il a pris sa capote, et on est parti au cercle. Nous lui avons fait un chocolat avec beaucoup de lait, il a examiné l'orgue, a décidé d'acheter 10 potentiomètres de 10K pour déjà commencer le montage sur le piano, nous a dit de fixer le HP en un certain endroit pour étudier la résonance, a étudié le système pour les nuances, a bavardé un moment ; et comme la sirène retentissait, il est parti. A ce moment, Dannhauer est revenu de la ville, on lui a raconté les faits de la journée, puis ils sont partis pour la télévision pendant que je restais là et clouais le HP sur le piano. Bachelart est revenu et m'a surpris en plein travail. Il était venu pour chercher des documents sur lesquels il avait vu des oscillographes à très bas prix. Il a pris tout ce qu'il pouvait, et est reparti. Après avoir fini de clouer le HP, j'ai lu des chapitres du livre : « La télévision » et « la lumière ». Dannhauer et Bourgeois m'ont rejoint après, la télévision étant finie, et on a bavardé jusqu'à la soupe. Après la soupe, j'ai fait mon lit pendant que les autres allaient à la télé. Je suis redescendu au cercle, car Bachelart nous avait donné rendez-vous. Bizarre ! Pour une fois, il était là avant moi ! Il a fait marcher l'orgue, a étudié le plan d'un mélangeur pour que les gammes ne s'influencent pas. Il est reparti ensuite et je suis allé me coucher.
24 janvier 1957
Aujourd'hui, on va être embêtés, car il y a répétition générale de la cérémonie qui se déroulera demain pour la venue du général. Le matin, je suis resté un quart d'heure de plus au réfectoire pour ranger les tables. C'est qu'il fallait un volontaire par table et je me suis désigné avec abnégation. Mais comme personne ne venait, on est partis au bout d'un quart d'heure. Naturellement, quand je suis arrivé au dortoir, tout le monde avait presque fini son travail. J'ai vite fait mon lit (il fallait le faire au carré, en plus) puis je suis allé au lavabo. Quand je suis remonté, Hulot et Baroudel avaient déjà balayé. Hulot m'a engueulé, et il a gueulé comme une vache. Je suis resté froid comme un bloc de glace. Après m'être habillé, j'ai vite pris mes affaires et on est montés au réfectoire pour le devoir surveillé de Maths. Je voulais me mettre avec Bourgeois, mais la M1 était dans le grand et la M2 dans le petit réfectoire. Après 1h45 je suis sorti. J'espère avoir mes 10 quand même. J'ai rangé mes affaires et je suis allé au cercle. J'ai vidé le poêle et j'y ai mis du bois. On est déjà mieux dans la pièce, car Bachelart a apporté des rideaux de Cie B qu'il avait fauchés. J'ai oublié de dire que lundi soir j'ai demandé au Capitaine la camionnette pour jeudi. Il m'a donné la réponse mardi. Nous pourrons la prendre cet après-midi. J'ai fait cette démarche personnellement, car s'il faut attendre que Bachelart le fasse...J'ai également oublié de dire que Bachelart a une voiture, une petite Isetta, un œuf de Pâques comme dit Dannhauer. C'est un type qui lui a rapporté cela de Saclay. Il ne sait malheureusement pas où la mettre. Un jour, elle est devant le bâtiment des 6ème, un autre elle est devant la salle des professeurs, et aujourd'hui on ne la voit plus. Je me demande à quoi elle peut bien lui servir ! Bon, revenons à nos moutons. Bourgeois m'a rejoint, on a allumé le feu et on a fait jouer l'orgue. Bachelart a établi un contact, et ce soir nous allons en faire quelques autres. Mais à 11 heures, on nous appela pour la répétition générale de la Prise d'armes. Je passerai rapidement en disant simplement que la musique a fait des canards énormes, et que le Capitaine et le Commandant n'étaient pas contents. Nous sommes allés manger après. L'ordinaire était un peu meilleur, mais pas tellement. Pendant le repas, une désagréable surprise m'attendait : tous les élèves de dortoir devaient aller balayer et passer de l'anti-poussière dans tout le dortoir. Et moi qui voulais aller aux Andelys à 13h30 ! A 1h, je suis donc monté au dortoir, j'ai balayé partout avec Hulot et Baroudel, mais Crisma qui passait par là a eu pitié de nous. Il a fait monter tout le monde pour passer l'anti-poussière. Quand j'ai eu fait environ 1/6 du dortoir à moi tout seul, j'ai foutu le camp. Entre-temps j'étais allé voir deux fois s'il y avait un chauffeur au garage et j'ai vu Bourgeois qui balayait le bâtiment. Bachelart était au dentiste et au cercle Dannhauer lisait un bouquin. Quand je suis vraiment descendu, Bourgeois et Dannhauer rangeaient le cercle pour la visite du général. Le Capitaine est venu deux fois, nous a félicité pour l'orgue. Prautoy et deux autres venaient toujours ici. A un moment donné, j'ai vu qu'il ne restait plus qu'un fer à souder. J'ai aussitôt foncé au cercle auto où ils se rendaient périodiquement, et j'ai vu sur la table des tas de choses qu'ils nous avaient piqué : ils faisaient un concours de celui qui rapporterait le plus de choses de là-bas sans qu'on s'en aperçoive. Ils nous ont bien sûr tout rendu, puis on est retournés au garage. J'ai trouvé l'adjudant Bérard et on lui a demandé la camionnette. On est partis aux Andelys ; arrivés chez Demotreux, une très désagréable surprise nous attendait : Demotreux n'était pas là, et il n'avait pas encore trié le matériel qu'il nous donnerait. On nous a dit de revenir dans une dizaine de jours. J'étais écoeuré ! Revenus à l'école, on est retournés au cercle. On a posé 3 autres contacts avec tous les 10K que nous possédions. Les deux premiers marchaient très bien, mais le troisième décrochait ; la cause était facile à comprendre : tous les 10K que nous avions mis étaient en série avec le potentio de 50K, qui lui même était en série avec une R de 30K. Le total ne devant pas dépasser 100K, nous avions déjà 80K + 10k + 15K + 10K = 115K. D'où le dernier ne pouvait avoir de son. Seulement, c'est un potentio que nous avons. SI nous le mettons à zéro, le total ne fait plus que 65K, d'où ça devrait marcher ! Eh bien non. J'y perds mon latin et Bachelart aussi, car il prend des sautes d'humeur à l'orgue : une fois on l'entend à 100m, 10 mn après, placés à 2m il faut tendre l'oreille pour écouter le son. Le Capitaine est venu encore une fois avec le Commandant et ne tarissait pas d'éloges ! Nous riions sous cape ! Le Thielleux est venu 3 fois, pour voir si le cercle était rangé. Comme le général vient demain, on nous a changé le carreau cassé, sinon on aurait pu attendre X temps. Bachelart est apparu lorsque le vitrier finissait de poser le carreau. Il tenait dans ses mains une espèce de marteau-piqueur, et dans l'autre une boîte que j'ai pris d'abord pour un émetteur-récepteur, quoique sa petitesse aurait dû me frapper tout de suite. Le chef m'a alors renseigné : le « marteau-piqueur » était l'antenne rétractable, et « l'émetteur » un accu vide. Il a posé cela dans un coin et a accompagné l'adjudant qui était avec lui, après lui avoir fait marcher la casserole électronique. Il nous a dit ensuite que l'on aurait peut-être 2 émetteurs-récepteurs qui sont au grenier depuis dix ans et qui n'ont jamais servi. Quant aux 536, impossible de les avoir, Gégène ne veut rien donner. Il a ensuite examiné notre travail, et nous avons subitement radarisé qu'il était 5h30 passé. Nous sommes vite allés en étude. Je n'ai pas fait grand chose pendant ces 2 heures, à part l'Anglais. Je me suis couché, fatigué par cette journée si chargée et fatigué à la pensée de celle de demain.
25 janvier 1957
Nous nous sommes mis en tenue de sortie et avons fait nos lits au carré dès le matin. Je ne suis pas allé en étude le matin, car on est remonté balayer le dortoir, chose que nous n'avions pu faire avant la soupe. A midi, on m'a dit que j'avais un colis. En effet, j'en avais un, mais on m'a dit que je ne l'aurai que ce soir. Comme je n'avais pas astiqué mes boutons ce matin, j'ai dû astiquer les plinthes du hall devant le bureau de compagnie comme punition. Je suis descendu ensuite au cercle où Bourgeois donnait un dernier coup de balai. Je suis ensuite allé à la Musique. A 2h, tout le monde était aligné sur la cour. Tout s'est bien passé, la musique a mieux marché qu'hier quoique les tambours aient fait encore un immense canard. Nous avons fait normalement l'heure de Sciences. Après le goûter, je suis allé au cercle. Bachelart était venu et, ignare comme il l'est, avait laissé l'orgue en marche. Le transfo était brûlant. Quand Bourgeois m'a rejoint, je me suis seulement aperçu qu'il avait amené son baffle et qu'il y avait branché l'orgue. Il avait vu Bourgeois et lui avait dit qu'il viendrait après. Malheureusement, il n'est pas venu, et du pas de la porte nous l'avons vu avec ses bleus partir du côté de la ville. Nous voyant tous trois, il nous a fait un geste de la main. Nous sommes partis en entendant : « 3ème M2 en classe ». C'était pour les sorties libres de dimanche. J'y avais droit. Je ne sais pas si j'irai en ville cependant. Pendant l'étude, j'ai fait ma rédaction, et après j'ai lu l'énergie atomique. Pendant que les autres étaient à la télévision, j'ai lu puis je me suis endormi.
26 janvier 1957
Ce matin, comme d'habitude j'ai fait mon lit et j'ai profité des deux heures de permanence pour mettre ce carnet à jour. Après manger, et avant d'aller me changer et d'aller aux douches, je suis allé au cercle. Bien m'en a pris, car ce distrait de grand chef avait laissé l'orgue allumé en train de ronfler. Je l'ai débranché, car le transfo et les lampes étaient brûlants. Bourgeois m'avait rejoint, mais nous sommes tout de suite remontés au dortoir. Dannhauer était en train de distribuer le linge. J'ai attendu ma collection, mais quand tous les sacs furent vides, je n'avais toujours pas mon linge. Par contre, une collection immatriculée 953 était à personne. Le caporal s'était certainement trompé. J'ai changé cependant de linge, avec la collection de rab que j'avais dans l'armoire. Bachelart avait apporté un cadenas pour fermer la porte. J'ai commencé mon montage jusqu'à 3h1/2 environ, moment où Dannhauer m'a rejoint pour jeter partout le boxon. Il m'a plutôt enquiquiné ! Bourgeois ne pouvait venir, car il avait 2h de colle. A 4h nous sommes allés au goûter et Bourgeois est venu nous rejoindre ensuite, ses 2h de colle finies. Dannhauer a foutu le camp, car soi-disant il se pelait ici. Il s'intéresse de moins en moins au cercle depuis quelque temps, ne pensant qu'à déconner et à mettre le boxon. Bourgeois a encore mis une touche, mais sans résistance. J'étais sur le point de finir mon montage lorsque cela a sonné. Nous sommes allés en étude. Je n'ai fait que de l'Anglais, mais je n'ai pas eu le temps de le faire entièrement. Après manger, Bachelart a amené un  type pour lui montrer notre casserole électronique. Lorsqu'il fut parti, il nous a dit qu'il n'avait pas pu venir l'après-midi, car il avait dû amener les bleus au cinéma en ville. Il nous a demandé si nous n'avions pas essayé de démonter l'antenne. Non, avons nous dit, car nous ne pensions trouver dedans que le bout de l'antenne avec des prises différentes. « Non », nous a t-il dit, et pour nous montrer il a entrepris de démonter l'antenne. L'opération a duré ¼ d'heure, alors que le cinéma était déjà commencé. Quand elle fut ouverte, j'y ai découvert avec surprise un amplificateur 9 lampes avec transfo MF, etc...C'était presque un récepteur complet. Nous sommes allés au cinéma ensuite. Le film était vraiment bien et a duré jusqu'à 11h30. C'était « Le pays du dauphin vert ». Je me suis couché à minuit seulement.
27 janvier 1957
Dimanche. A 6h30, les gars des JMF qui allaient à Paris nous ont réveillé en faisant un bruit du diable. D'ailleurs, ils étaient 22 en M2 à partir, et nous n'étions que 9 à rester. Après le souper, je suis monté au dortoir et j'ai fini mon boulot. J'ai posé le cadenas sur la porte du cercle. J'ai fermé à clé et je suis allé en étude. Comme il n'y avait presque personne pour surveiller,nous sommes tous allés en 1ère. J'ai fait mes Maths sur le cahier de Jorry, et j'ai terminé l'Anglais. Pécore, toujours aussi bête décidément, a amené Fritz et Croes avec lui au cercle. Fritz, ça va encore, mais Croes ah non ! Il a commencé par mettre le montage de l'orgue par terre, à faire l'idiot avec l'antenne, à s'exciter sur les fers à souder. Je ne pouvais pas finir tranquillement mon montage.J'ai dû faire des erreurs, car lorsque je l'ai essayé ça ne marchait pas. Il faut dire aussi que je n'avais pas les potentios de la valeur qu'il fallait : pour 500K, j'ai dû prendre 1 Méga, et pour 30K j'ai dû mettre deux résistances (assez vieilles) en série. Pour la soupe, nous étions très peu. J'ai donc changé de table. Après manger, nous sommes allés nous mettre en tenue de sortie pour partir en ville. Nous sommes arrivés aux Andelys vers 1h30. Après une balade, Fritz (nous étions 4, moi, Fritz, Dannhauer, Croes) nous a payé un pot. Nous avons pris une limonade, et Fritz un Cointreau. Nous ne nous sommes pas arrêtés de le traiter d'alcoolique. Ensuite, nous sommes allés voir au cinéma, car Croes voulait y aller. Mais voyant toute la queue qu'il y avait, nous avons abandonné.  J'ai payé alors des gâteaux à tout le monde. Nous sommes entrés dans une pâtisserie et nous avons dégusté. Nous sommes ensuite allés nous promener sur le boulevard. Après, comme il était 4h, c'est Dannhauer qui à son tour nous a offert un café chaud.  Moi, pour ne pas faire comme tout le monde, j'ai pris un Cointreau. Tout le monde m'a alors traité d'alcoolique à mon tour. Croes a acheté des Craven et on a tiré. Nous sommes alors retournés à la boîte. Bachelart était au cercle. Nous sommes allés voir. Il faisait une sombre mine. « Il y a eu du sabotage » nous a t-il dit. Au bout de quelques instants il est parti et je suis allé à la télé.
Jeudi 31 janvier 1957
Lundi, Bachelart a passé l'après-midi au cercle. Tout d'abord, il avait branché le baffle sur le poste qui marchait mais n'avait pas de HP. Nous avons donc la radio maintenant, mais il faut dire qu'elle est bien encombrante. La table que nous avions si bien rangée hier était dans un désordre indescriptible. Sur le baffle, Bachelart avait vissé l'antenne qui servait au poste. Quand il est arrivé après le goûter, il nous a expliqué sa nouvelle idée. Il nous a montré un schéma pour transformer notre poste récepteur en un émetteur dont la portée ne serait que d'une quinzaine de mètres. Puis il nous a dit que, sur le catalogue, il avait trouvé un livre intitulé : « Musique électronique » et que, allant demain en permes, il l'achèterait. Il a ensuite dévissé l'antenne et nous avons passé le reste de la récréation à la fixer derrière la baraque. J'ai demandé au chef pour ses enveloppes à copier. Il m'a répondu qu'il n'avait pas encore reçu le papier. Pendant l'étude, il a amené la clé du cadenas à Bourgeois.
Mardi et mercredi, nous n'avons rien fait, puisque Bachelart est à Paris. Nous avons fixé les dernières touches du piano. C'est tout. Jeudi. Ouf ! Ce matin, Crismanovitch ne s'est pas réveillé en retard. Aussi ai-je pu faire mon lit et m'habiller. Après manger, je suis allé aux lavabos, puis au cercle. Après le devoir surveillé, qui était assez facile, j'ai voulu allumer le feu ; comme bois, j'ai pris une étagère de l'arrière et le bout de bois qui restait. Le feu allumé, j'étais en trains de taper sur le tuyau pour que la fumée sorte, lorsque Bachelart est entré. Dannhauer était en train d'écrire au tableau. Bachelart lui a donné un coup de pied au derrière pour s'amuser et a commencé à discuter. Il nous a montré le bouquin « Musique électronique », nous disant que pour supprimer tout ce qui ne marchait pas dans le montage, il faudra ajouter une lampe, puis une autre, puis une autre...Ensuite, il avait à faire avec ses bleus, il est parti, nous emmenant avec lui pour chercher du matériel chez lui. En traversant la cour, il a vu Le Thielleux et, après un moment de bavardage avec lui, il nous a annoncé que l'on pouvait prendre l'électrophone de la Cie pour une durée indéterminée pour études dessus. Bourgeois, qui sortait seulement du devoir surveillé, nous a rejoint à ce moment. Arrivés en Cie B, BB et Dannhauer sont restés en bas alors que j'allais chercher son matériel en haut et nous sommes retournés au cercle. On a examiné le poste, mais Bachelart nous avait bien dit de ne pas le démonter. Je suis ensuite allé à la Musique. B et D ont eu un exercice de défilé. Après la soupe, moi et Bourgeois avons fait de nouvelles touches, mais à 1h30 nous avons dû partir pour aller au théâtre. On jouait « Les Précieuses Ridicules » et « Le médecin malgré lui ». Il y avait des décolletés pas mal (sic). Nous avons vu Bachelart à la fenêtre de sa classe. Il nous a montré ses disques, nous a parlé de l'orgue, nous a montré son programme de travail pour son examen, et nous a conseillé d'avoir le BAC. Après la pièce, nous nous sommes changés au dortoir, puis Bachelart nous a dit de prendre un cahier et de le suivre en 6ème. Là, dans sa classe, il nous a expliqué diverses choses de l'orgue, la constante de temps, avec des x, y, Rc, racine de RC², etc...Il y avait quelques bleus en classe, qui écrivaient et qui ouvraient des yeux ébahis à tout ce qu'on disait. C'était marrant, surtout que Bachelart disait parfois des plates et Bauer aussi. Nous sommes partis de là à 5h30 seulement, avec des tas de notes, de brouillons, de schémas, etc...Bourgeois avait peur de se faire punir, car depuis 15 jours il arrivait en retard en étude, et cette fois plus que d'habitude. Mais juste avant d'entrer, Plicque lui a donné le cahier de notes de la classe, et ainsi il a eu une excuse. Chez nous, rien à craindre, personne ne surveillait. Pendant l'étude, j'ai mis ces notes à jour et j'ai fait de l'allemand.
Samedi 2 février 1957
Après la soupe, le matin on est allés en classe comme d'habitude. Mais à 9 heures, comme je montais au gymnase pour l'EP, j'ai vu Bachelart qui était en train de transformer l'émetteur. Mon 52uF avait reparu. A 10h, en revenant, il y était encore. Je suis entré, et on a procédé aux essais, mais cela ne marchait que si on le branchait sur la même antenne. Après manger, nous sommes retournés à ce cher cercle, bien sûr (on nous traite toujours de fous d'ailleurs), mais nous avons poireauté toute l'après-midi après les douches. Nous savions qu'il ne viendrait pas, car on l'avait vu partir au petit bois, là-haut. A 3h30, nous sommes partis avec Bourgeois en Cie B. Je voulais voir son bouquin « Musique électronique ». Puis nous sommes allés au goûter. En sortant, j'ai vu cet ignare de Bachelart se diriger vers le cercle. Et le cadenas était mis ! J'ai pris ma vitesse supersonique et j'ai couru au réfectoire arracher des mains de Bourgeois la clé. Car Bachelart n'est pas réputé pour sa patience ! Toujours à la vitesse supersonique, je suis arrivé à la porte alors que l'impatient s'apprêtait à l'enfoncer. Nous n'avons fait que réessayer l'émetteur, et ça n'a rien donné. En étude, je n'ai pas fait grand chose, des Maths c'est tout. Le film qui passait était vraiment bien. Bachelart nous avait dit de lui garder une place derrière, mais Dudu nous a fait avancer. Aussi ne l'avons nous pas vu.
Dimanche 3 février 1957
Je suis descendu très tôt et j'ai mis un peu d'ordre dans le cercle. En étude, j'ai écrit et regardé le livre : « 50 montages de technique mondiale ». Après, Bourgeois est allé à la messe pendant que je terminais les touches de l'orgue, pardon, de « l'instrument de musique électronique » ! J'ai aussi mis 3 fils pour calculer sur le milliampèremètre – voltmètre les mA et les V simultanément. Bourgeois a balayé le plancher, on a rangé un peu tout. Après manger, Dangleterre est venu chercher le vieux poste pour pouvoir y brancher un pick-up et écouter des disques dans la journée. Avec Bourgeois, nous avions décidé de le chercher (Bachelart, voyons!) s'il ne venait pas. Mais à 1h nous avons accosté Prével pour lui demander sa bouilloire électrique pour se faire du Nescafé. Il était prêt à se débiner, mais nous l'avons retenu par la promesse de l'offre d'une tasse de Nescafé. Nous avons fait un roch en haut sur nos provisions, Dannhauer sur son sucre,moi sur la boîte de lait. Nous nous sommes donc fait un Nes, Prével aussi. Celui-là n'a rien perdu pour attendre, on vous le dit. Ah, j'avais oublié de vous le dire, j'ai pris une autre boîte de lait, car Bachelart a bouffé l'autre qui était à moitié pleine, car...il...a...vait...faim. Ouf ! Heureusement, il m'a dit qu'il m'en paierait une autre chez Moustache. Prével nous a pris 2 fois la boîte de Nes, une fois quand il dit « Je pars, gardez ma casserole jusqu'à ce soir ». Quand j'eus récupéré ma boîte, il revint et nous la piqua la boîte. Erb qui passait par là à ce moment l'arrêta brutalement. Nous récupérâmes la boîte, mais Prével donna une tarte à Erb et nous fermâmes la porte au nez de celui-ci. L'animal furieux donnait de grands coups dans la porte. Nous l'ouvrîmes et Erb s'en alla. Les autres installèrent un système de fermeture avec la poignée dévissée de la fenêtre. Je fouillai, moi, dans le livre de montages, cherchant les lampes, leur numéro, leurs équivalents, etc...C'est à ce moment  qu'apparut, sombre et majestueux, triste et joyeux, au son des buccins qui sonnaient leur fanfare, l'imp ...mais non, pas l'imperator ! On n'est pas en cours de français, ici ! C'était tout simplement Bachelart. Je...hum ! rangeai en vitesse les tubes à leurs places respectives, tandis que le grand chef jetait négligemment sur la table un pain d'épice et une tablette de chocolat piqués à la cuisine. Après avoir mûrement réfléchi : « Tu viens ? » m'a t-il demandé. Où ? Je n'en savais rien. Nous sommes d'abord allés dans l'alcôve de Picot chercher un poste qui ne marchait pas. Nous y avons trouvé des illustrés. Hum ! Hum ! Picot qui lit ça ! Nous sommes allés alors dans son alcôve. Comme d'habitude, son lit n'était pas fait. Il m'a montré son poste tourne-disque, un engin de 80cm sur 40cm. Il m'a dit de le prendre. Lui a pris le poste à Picot, la lanterne à projections, des films, des bouquins, des troupes (pouah!). Que ce poste pouvait être lourd. J'ai dû me reposer sur le banc, puis à l'allée centrale. Heureusement que ces fainéants du cercle ont quand même daigné venir nous aider. Nous avons donc encore passé des films, fait encore un Nes, passé des disques, on s'est vraiment bien amusés. A 5h, on a Bourgeois et moi reporté son poste chez lui, car il avait étude. En guise d'étude, il a laissé les bleus seuls et nous sommes montés dans la salle de réunion. Nous avons assisté en spectateurs aux répétitions d'une saynette montée par Bachelart pour la veillée qui aurait lieu ce soir. Il nous a invités à sa veillée. Bourgeois qui était fatigué n'est pas venu. Nous y sommes allés à deux seulement, Bauer et moi. Bachelart nous a envoyé chercher deux lampes au cercle. C'était très bien la veillée, mais on était fatigués. Je n'avais pas fait mon lit. J'ai dû le faire dans le noir. J'ai bien dormi.
Lundi, Bachelart a reçu les potentios.
Mardi, je suis à la Musique.
Mercredi, Bachelart est aux Andelys. Il veut faire un ampli push-pull pour différents usages, en particulier l'orgue.
Jeudi, Bachelart est à Paris en sortie avec les bleus. Le matin, on n'a presque pas pu venir, Maillard a apporté son poste à réparer. Il veut se mettre dans le cercle l'année prochaine. Je n'ai pas pu détecter ce qu'avait son poste. Il y a un solénoïde en décomposition, mais on ne peut le remplacer car la valeur est effacée. L'oeil cathodique ne s'allume pas. L'après-midi, Prével nous a payé un Nes. A 2h30, on est allé en classe pour l'inspection d'un inspecteur. Ptit Stück m'a envoyé au tableau. L'inspecteur, un petit vieux, a fait faire du strip-tease à Rouyer pour qu'il montre ses os. Pour moi, j'ai décrit la peau. A 4h, on est sortis. On a encore fait un Nes, mais Prével a voulu avoir sa part. Après qu'il l'ait eu, on l'a foutu dehors. Le reste du temps s'est passé à repousser ses assauts contre la porte et la sonnette. En étude, je n'ai pas fait grand chose. J'ai bien dormi.
Dimanche.
Ce matin, comme d'habitude je suis descendu au cercle entre le soupe et l'étude. Il faisait froid, mais je n'ai pas allumé le feu, car nous sortons en ville ce soir, Bourgeois et moi. Pendant l'étude, j'ai fait mon cahier de texte et du Français. Après l'étude, Bourgeois et Trichot étaient au cercle, déjà en tenue de sortie pour ce soir. Ils voulaient aller à la messe. Ils m'ont aussi conseillé d'aller me mettre tout de suite en tenue de sortie car, disaient-ils, le dortoir serait fermé ce soir. J'y suis donc allé. Pendant qu'ils étaient à la messe, j'ai dessiné au tableau le schéma d'un ampli 3 lampes push-pull. Après la soupe, nous sommes partis tout de suite en ville. Arrivés aux Andelys, Trichot a commencé par acheter des gâteaux. Ensuite, nous avons regardé les magasins. J'ai vu un électrophone à 13000 francs. Ça m'intéresse beaucoup et j'ai l'intention d'économiser pour pouvoir l'acheter. A ce moment là, une brusque averse nous tomba sur le dos. J'allai acheter un paquet de Craven. A ce moment, Erb nous a rejoint sous le porche où nous nous abritions. Pour nous en débarrasser, on a dit qu'on allait au cinéma. Ensuite on est allés au café du coin, où on a pris deux cafés chauds en tirant une bife. Nous nous sommes baladés en ville. En voulant acheter un chewing-gum dans une machine automatique, nous avons mis une pièce de 10 francs. Au lieu d'avoir un chewing-gum, il est tombé deux pièces de 10. Tant mieux ! On a essayé encore une fois, mais ça n'a plus marché. Je me suis aperçu d'une chose aussi. Je voulais, depuis longtemps, acheter un moulin à café électrique, car j'avais vu en gros  dans une vitrine : « Pour 1500 francs, il est à vous ! ». Je n'avais pas vu, en tout petit : « Plus 3 versements de 1500 francs ». Je dois donc renoncer à ce projet. On a ensuite pris un second café (au lait), après nous être baladés une bonne heure. Bourgeois et Trichot ont encore acheté trois fois des gâteaux. Comme on s'ennuyait, on est revenu à la boîte. Comme il n'y avait personne au cercle et qu'il y faisait froid, nous sommes allés à la télé jusqu'à la soupe. Après souper, je n'ai pas voulu y retourner, car la salle était pleine à craquer. On jouait : « Le 3ème homme ». Je me suis donc couché et j'ai bien dormi.
Jeudi.
Il n'y a rien de nouveau ces derniers jours. Le matin, chocolat comme d'habitude. Tout le monde trouve ça dégueulasse. Pour moi, il est excellent, aussi je roche sur le broc. Ce ne sont pas ces jours-là que je taoberai. A 8h, devoir surveillé d'Allemand. Comme il était facile, au bout d'1h30 tout le monde était sorti. Le PP, qui décidément n'est plus bien depuis quelques jours, est allé nous rechercher jusque sur le terrain pour nous faire entrer au réfectoire car, disait-il, quand on a 2 heures pour faire un devoir, il faut les employer utilement. Il a donc redistribué les feuilles. Comme on avait déjà discuté, j'ai pu corriger 3 fautes graves. Son intervention a donc servi à quelque chose ! Ensuite, à 10h, je suis allé au cercle ramoner le poêle. Il y en avait une de ces couches ! Ensuite on a balayé, rangé », etc...Oh là là ! Quel désordre il y avait ! Je suis allé à la Musique voir ce qu'il y avait. J'ai attendu ¼ d'heure. Comme il n'y avait que 3 pauvres pelés, j'ai foutu le camp. J'ai appris qu'il y avait échanges. J'ai donc échangé mes vieilles frusques contre des nouvelles. Je suis retourné au cercle, juste quelques minutes, car la soupe sonnait (1 plate : la soupe sonne = la soupçonne. Ouaf !). Après cette soupe, Bourgeois ayant du travail, Pécore et moi on est allés voir Bachelart comme il nous l'avait dit. On l'a trouvé allongé sur son lit, en train de lire un bouquin idiot dont il nous a lu quelques passages. On ne pouvait pas travailler car : 1/ Il n'en avait pas envie 2/ Parce qu'il allait au Château-Gaillard avec les bleus dans 5 mn. Il nous a filé du pain d'épice, j'ai pris le livre sur la musique électronique, il a donné un autre livre à Pécore, et on est reparti. Au cercle, j'ai lu jusqu'à 3 heures. Bourgeois nous avait rejoint, mais à 2h30 ils sont allés au terrain. A 3 heures, je suis allé à la salle de réunion éplucher le bouquin. A 4 heures, j'ai mangé une tartine. A 4h30 j'en avais marre je suis parti et je suis resté à me promener dans la cour en réfléchissant. Pendant l'étude, il n'y avait rien à faire, j'ai résumé la moitié du bouquin sur mon classeur. Le soir, j'ai bien dormi après une telle journée.
Dimanche 17 février
Vendredi, Bachelart avait réunion avec l'Ostrogoth, nouveau surnom de Cariou, dit Caribou, Fend-la-bise, Fa-dièse, etc...Bourgeois devait faire son service, et Dannhauer n'avait rien envie de faire. Aussi suis-je allé seul à 1h faire de la théorie. Bachelart m'a dit de bûcher dans son alcôve pendant qu'il allait à sa réunion. C'est donc ce que j'ai fait jusqu'à 1h30. J'étais vraiment bien là-haut. En étude et en permanence, j'ai mis au propre sur mon classeur les notes que j'avais prises avant l'étude sur l'orgue électronique, qui est maintenant terminé, en 16 pages. A 4h, j'ai décidé de délaisser la Musique et d'aller au cercle. Bachelart est venu, et pour la 1ère fois nous avons eu du vrai boulot. Bourgeois a relié ensemble les touches fixes, Dannhauer et moi les potentios et les touches mobiles. Cela nous a pris un bon moment, et juste lorsque l'on terminait, ça a sonné. C'était bête ! On aurait pu essayer tout de suite. Après l'étude et le souper, j'ai constaté qu'il n'avait pas pu l'essayer. Aussi ai-je branché l'alimentation. Les sons n'étaient pas si mauvais.
Samedi
A 10 heures, Bachelart était au cercle. Je l'ai rejoint 5 minutes ; il m'a dit de changer une pièce car, comme je l'avais remarqué hier soir, en l'absence de tout contact l'oscillation ne cessait pas entièrement et il y avait un sourd battement et une étincelle sous l'ampli. L'après-midi j'ai fait ce qu'il m'avait dit, mais le battement et l'étincelle persistaient toujours. Après les douches je suis allé au cercle, mais Bachelart partait au Château-Gaillard. Comme il faisait froid dans la pièce et que Bourgeois et Dannhauer étaient allés voir le match, je suis parti en classe vers 4h30 après avoir essayé seul et avec Lestringuez d'accorder l'instrument électronique. Le matin, après l'étude, j'ai tenté d'allumer le feu. Mais ça ne prenait pas bien, et à ce moment Bachelart est arrivé. Il a regardé l'orgue, s'est énervé en entendant toujours le battement, m'a présenté un bleu en disant : « Il faut que je le ménage, car en tant que futur beau-frère...Je me marie avec sa soeur ». Je me suis dit : « C'est louche ! Ce bleu a une sale gueule, tandis que Jane, humm !... ». Passons. Voyant mes difficultés avec le feu, il m'a emmené en Cie B chercher des boîtes de cirage. Moyen extra ! Paraît-il. En revenant, j'ai donc enduit chaque bout de charbon d'une couche de cirage, et zoum !... Moyen très bon ! Mais consommation énorme de cirage. Après quelques retouches à l'orgue, sans résultats, j'ai balayé un peu, mais ça sonnait. Bachelart m'a dit de changer le transfo cet après-midi, m'a demandé si je voulais le tourne-disques cet après-midi, et est parti. J'ai taobé comme un chef, car les JMF sont à Paris, et Bourgeois et Dannhauer absents. Après souper, j'ai donc changé le transfo comme il me l'avait dit, et je suis allé le voir pour le lui dire et essayer d'embarquer le tourne-disques. Bachelart n'a rien dit. Il m'a prêté un bouquin noir pour me distraire, et il est allé au cinéma. Je suis resté un moment, puis j'ai chouravé ses disques et je les ai passés dans le dortoir pendant une demi-heure, car je ne pouvais l'emmener seul vu sa lourdeur immense. Ensuite je suis retourné au cercle. Il faisait très bon, j'ai donc lu jusque vers 4h environ, heure à laquelle il est revenu du cinéma. Il est entré, il a regardé pourquoi le poste à piles ne marchait pas, et constatant que les piles étaient mortes, en a fait chauffer une. Manque de pot, elles sont en plastique, et vouf ! Tout a fondu. Il a regardé l'orgue, puis il m'a emmené en Cie B pour me rendre mon cahier qu'il a corrigé. Il m'a dit d'enlever le plan du Soccapex CCI, car c'est du CEA et on n'a pas le droit de le prendre. D'accord, c'est vu. En sortant il m'a dit : « Je ne vois aucun inconvénient à ce que tu me tutoies désormais ? Vu ? ». « Vu », ai-je répondu. Dieu que j'étais joisse ! S'il me permet de le tutoyer, c'est que je suis déjà pas mal dans son estime. « C'est bon, ça ! » dirait-il à ma place. Sacré vieux jules, va ! Je suis retourné au cercle et j'ai fini mon bouquin. Sache donc, mon vieux Bachelart, que je t'estime beaucoup aussi, que ton caractère, tes sautes d'humeur me plaisent beaucoup, quoique mon tempérament d'adolescent s'affecte encore lorsque tu es taciturne, ou que tu oublies trop souvent de venir au cercle.
Jeudi
On n'a rien fait. Le matin, j'ai allumé le feu (méthode Bachelart), et je suis allé au devoir surveillé. Quelle brêle je fais ! Un devoir si facile. Trop facile même, car étant sûr de moi, je n'ai pas fait de vérification et j'ai trouvé x = 2a – 11 alors que c'était x = 11 – 2a. Après le devoir, je suis allé au cercle, puis à la musique. J'ai dû poiroter ½ heure après l'appel à la fanfare avant de commencer à jouer. Il est vrai qu'on essayait la pompe à incendie, et que tout le monde voulait voir ça. A midi, l'adjudant nous a dit : « Comme il n'est resté personne ce matin pour nettoyer la table, vous nettoierez le dortoir ce soir. Donc, de 1h à 2h, j'ai nettoyé. A 2h je suis arrivé au cercle, Bourgeois, Trichot et Dannhauer faisaient de l'histoire. Nous avons organisé un concours M1 – M2 de celui qui saurait le mieux. Match nul. Il était environ 3h1/2 à ce moment. J'ai émis l'idée de faire un nes. Mais pas moyen de piquer la chaudière à Prével, il était en garde. A 4h1/2, on a cloué au mur une caisse en carton, et on a joué au basket. Qu'il faisait chaud ! Bing ! Coup de matraque : à 5h05, Bachelart se radine et crac, en un clin d'oeil, la table fut remise à sa place, l'antenne , que nous avions cassée, planquée dans un coin, Trichot passé par la fenêtre, le panneau de basket décroché. Quand il arriva, il ne remarqua rien, pas même que nous étions rouges, suants, soufflants, que l'antenne avait disparu et la fenêtre ouverte. Il répara son poste à piles et nous allâmes en étude.

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J'ai arrêté d'écrire mon « carnet de bord » fin février 1957. Je ne me souviens pas pourquoi, sans doute cela me prenait-il trop de temps.
J'ai repris ce journal au milieu de l'été 1957. Là par contre je m'en souviens, je m'ennuyais dans mon village lorrain où il n'y avait pas grand chose à faire. Je ne retranscris pas mes notes prises pendant les vacances, elles ne concernent aucunement la vie à l'EMP. Je reprends à la date du 29 septembre jusqu'au 11 novembre 1957, date à laquelle j'ai cette fois définitivement arrêté d'écrire sous cette forme.
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Dimanche 29 septembre 1957
A la gare, Maman prit un ticket de quai, et on attendit dans le hall. Comme d'habitude Maman pleura avant de partir. Ça fait toujours drôle quand tout le monde pleure quand je pars, alors que moi je ne suis pas si fâché de m'en aller. Le voyage dans l'autorail fut sans histoires. Il y avait deux ou trois filles assez bien. Il y en a une qui lisait « Psychoses et névroses ». Bigre ! A Nancy je descendis, et comme l'autre fois j'allai directement au buffet, et après avoir casé mon sac et ma valise près de moi, je commandai un café au lait. Après une heure d'attente, où je regardai les gens et un soulot qu'on éjectait, j'allai voir l'heure de départ de mon train, mais il n'y avait encore rien d'affiché. Je pris un autre café, puis je sortis dehors pour voir dans le hall de la gare les heures de départ. Mon train est à 1h20. Je m'assis encore un moment, puis je pris mon carnet et je le mis à jour. J'attendis encore deux heures, en regardant fréquemment la pendule, et en sortant faire un petit tour toutes les ½ heures. A 1 heure, j'allai sur le quai. Il y avait un train supplémentaire, mais il était déjà plein. Aussi je m'assis sur un strapontin dans le couloir. Mais à Toul, 7/8 d'un compartiment descendit, et j'allai m'installer avec le militaire qui restait. Je m'allongeai sur la banquette et je dormis jusqu'à Paris. Je bus un café au lait, j'achetai le bouquin d'Anticipation « Retour à demain », et j'allai prendre le métro pour aller à la Porte Maillot. Mais je rencontrai Decker sur le quai et il vint avec moi. Après avoir acheté nos billets et fait enregistrer nos bagages, on alla se balader. On but un demi, puis on s'attabla dans un bar et on but un café et on mangea des gâteaux. On joua au billard électrique et on se balada encore un peu. On but encore un lait grenadine et je lus un peu. Puis on acheta des fruits et on rencontra 4 copains, on s'installa dans un bistrot et on cassa la croûte avec un demi. Après avoir joué au billard électrique, je m'assis sur un banc et je lus un peu pendant que les autres se baladaient. Puis on attendit un peu, mais un chauffeur au poil nous prit à nous neuf dans un car et on fit le voyage à nous seuls dans ce car. A Magny, on s'arrêta boire un pot et je lus « Frou-Frou ». A 4 heures on arriva à l'école. Il pleuvait. Tous les dortoirs sont repeints et ont l'éclairage au néon. Je me choisis un lit sous une lampe, et je fis mon lit et ceux de Bourgeois, Trichot et Croës près de moi. Mais je vis tout à coup Bourgeois qui était déjà là. Donc le lit en rab sera pour Pécore. Puis je vidai ma valise et je partis voir Bachelart avec B.B. Mais cet ignare était en permes. Ensuite on regarda nos classes, puis on visita le cercle. En attendant les autres, on écouta la radio, puis je lus un peu. J'accueillis les copains avec joie, et notre coin est bien composé : Bourgeois, Dannhauer, Fraisse, moi, Trichot et Croës. Après avoir discuté un peu, on se coucha. Je dormis de 9 heures à 7 heures. Le Thielleux est toujours aussi emm...
Lundi 30 septembre
On déjeuna vers 7h1/2, et j'amenai mon beurre. Ensuite, on finit de s'installer, on balaya. On alla chercher nos livres au cercle et on les mit dans notre armoire en attendant que la classe soit ouverte. La M1 l'était déjà. Cet ignare de Croës avait laissé ses bouquins dans son armoire fermée à clé et ne retrouvait plus rien. Je l'aidai à chercher, puis on descendit chercher notre paquetage, puis les chaussures. Après avoir rangé tout cela, je descendis pour attendre l'ouverture de la classe. J'aidai à y rentrer tous les bouquins, et je me choisis une bonne place au fond de la classe près de la fenêtre, et je pris une table pour Croës. Ensuite, on nous distribua les bouquins et je me pris deux casiers. On a 17 bouquins. Je descendis ensuite mes cartons, et je gardai les dicos et les livres d'allemand, maths et quelques cahiers. Ensuite on alla voir Bachelart. Toujours aussi ignare et fauché. Ensuite on alla à la soupe. La table est bien, il n'y aura pas de « rushes ». Après manger, je montai au dortoir avec Bourgeois, et je mis mon carnet en partie à jour. Puis on descendit en classe vers 2 heures, et en jouant avec la table, Gélis m'en donna un grand coup sous le nez. Ça ne fait pas du bien, et la peau est fendue. Ça saigne et ça m'a fait mal toute la journée. Notre adjudant (un nouveau) arriva là-dessus et nous vendit des fournitures. J'achetai un classeur, des recharges, du papier à couvrir, et je passai mon temps à couvrir des livres jusqu'à 5 heures. Là, on alla au cercle avec Bourgeois, et bien sûr on fit des conneries. On prit le pot de peinture noire de Bachelart à moitié sèche, et on se mit à peindre les montants de la fenêtre avec cette peinture qui coulait à peine. Ça faisait du joli ! On sortit ensuite et on se balada un peu avant la soupe. Après m'être repu, je me rendis en classe, avant d'aller faire mon lit, me mettre en pyjama et me coucher, après être resté ¾ d'heure à la télévision. Je m'endormis vers 9h1/2.
Mardi 1er octobre 1957
Ah ! Aujourd'hui le grand jour, la reprise du travail, le « black monday » des anglais, quoique ce soit mardi aujourd'hui. A 6h1/2 Le Thielleux a fait « flac » en nous réveillant et a piqué deux types restés au lit. Après le « ménage », on alla manger, puis on se prépara pour une sorte de prise d'armes par le nouveau Commandant, un parachutiste ; on nous embêta, Fritz et moi, en nous envoyant aux couleurs. A 8 heures les cours commençaient. Pour nous, ce fut du Français, avec Aurian. Il passa l'heure en recommandations, en « ce qu'il aimait » et « ce qu'il n'aimait pas » que l'on fasse, etc...Après, le groupe 2 eut Anglais. On n'a plus Domergues, mais Dréno. Les autres avaient Allemand, avec un nouveau, Lafont. On eut la Chimie ensuite, avec Vadon, surnommé « Tonton Molécule ». On se marra. Il ne parle pas très bien, cherche ses mots, laisse des phrases incomplètes, se balade de long en large et s'assoit sur une chaise trouée. Il nous fit « l'eau ». Après, Géographie avec Dort, qui manipula les théories avec une facilité incroyable. Après la soupe, j'allai en classe et j'écrivis une lettre à Maman. Je complétais mes notes pendant l'étude. A 2 heures, j'allai chez Madame Dupont chercher des cahiers de TP Physique, et je les apportai au groupe 1. En Français, on a eu la définition de la dissertation expliquée par Aurian. En Dessin, on bulla. A 4 heures, j'attendis dans la cour, puis je montai en fraude au dortoir chercher mon carnet de bord. Je le mis à jour avant et pendant l'étude, après avoir été aux couleurs.
Jeudi 3 octobre
Mercredi : cours normal le matin. Dort prend toujours des airs mystérieux pour dire des banalités, et on a eu Delapierre pour la première fois en Maths. Il a toujours ses mêmes manières. Le nouveau prof d'Allemand ne me plaît pas beaucoup. En instruction militaire, on a lavé les murs du couloir. Après manger, on a touché nos espadrilles, et je suis allé au cercle mettre un peu d'ordre là-dedans. A 4 heures on est allé recevoir nos tenues de sortie.
Jeudi enfin ! Hier soir Bachelart m'avait dit de venir chercher de la peinture pour repeindre le cercle, aussi j'attendais ce jour avec impatience. Après le petit déjeuner, on a fait notre lit, etc...puis on est allés aux couleurs. Ensuite on a pris des balais et cet ignare d'adjudant nous a fait balayer toutes les feuilles de la cour. Ça a duré un petit moment, puis quand tout fut terminé, Fontaine m'inscrivit contre mon gré pour aller au coiffeur. Comme je n'en avais aucune envie et qu'il ajouta « ce matin », je pris mes cliques et mes claques et j'allai au cercle pour échapper aux recherches. Oubli : après le petit déjeuner, on est allés à la pesée : je pèse 63 kg et je mesure 1m67.  À 10h1/2 visite dentaire, on attendit longtemps avant de passer. On s'amusait à se pousser dans la pente devant les douches. Je passai dans les premiers, car ce n'était pas par ordre alphabétique. Après la soupe, Bourgeois, Croës et moi on alla au cercle. On reprit le boulot, on fut interrompus pour mettre nos affaires de sport dans le local spécial, puis on alla voir Bachelart. Il nous offrit une cigarette, on discuta, on lut un « Pieds-Nickelés », et on partit en emportant la peinture et les pinceaux. Bourgeois peignit déjà ce qu'on avait gratté, on peignit la porte, on reprit nos grattoirs et on nettoya tout un mur.  Comme j'avais envie de boire un Nescafé, on alla chercher le réchaud à moitié cassé à la reliure. On le répara sommairement, et on fit chauffer l'eau. Mais on se rappela qu'il y avait présentation de la Compagnie au Commandant en voyant les types se rassembler. Et nous qui étions pleins de peinture ! On se nettoya sommairement, on se coiffa, on fit la queue au goûter, puis on alla se rassembler. Après le baratin habituel, on se dispersa et j'allai au cercle avec les autres. J'avais déjà mis le treillis et je m'apprêtais à déguster un Nes, quand Fritz vint me chercher pour aller boire un pot avec le Bins. Naturellement, le Nes : taob ! D'accord, il y avait le champagne et les gâteaux, mais je ne suis pas alcoolique, et le baratin des « huiles » était assez insipide. On me donna une bouteille à ouvrir. C'était facile avec le bouchon en plastique. Puis j'allai en étude car c'était sonné depuis 10 mn.  Après l'étude, on alla juste visiter le cercle, et après j'allai me coucher.
Samedi 5 octobre
Vendredi : à 1h30, on est allés au cercle. On a gratté un peu le 2ème mur et j'ai fini de peindre les petits trous du bois. Oubli ; hier soir, on a cherché Bachelart après la soupe, il a approuvé notre travail et a fait un tas de projets pour demain : trouver rideaux et papier cartonné pour le plafond, acheter peinture pour les fenêtres. Nous verrons s'il a tenu ses promesses. Vendredi à 4 heures, on est allé le voir. Il rangeait ses affaires. Je crois qu'il a tenu sa promesse : il nous a donné des rideaux bleus, pas bien jolis, mais ce sont des rideaux ; pour le carton, il nous faut des plaques de 1m30, à l'école ce n'est que du 0m72. Trop petit. Pour la peinture, rien à l'école, il n'est pas encore allé en ville. On rechercha notre panneau d'Isorel, rien. On piqua 3 cadres à la pyrogravure et on alla au cercle. On discuta encore un moment sur un tas de projets, puis on alla en étude.
Samedi enfin. Rien à signaler pour les classes, cours normaux. Je crains de ne pas avoir assez de peinture pour peindre ne fût-ce que le 2ème mur. Croës commença ensuite à peindre (au rouleau bien sûr), se fit relayer par Bourgeois pendant que je bouchais les trous au pinceau. Bourgeois m'abandonna ensuite le rouleau pour aller aux douches. Il ne restait plus guère de peinture malgré qu'on ne peignait pas le panneau d'isorel. Je terminai la peinture du mur. Je pus juste terminer la partie jaune, et laisser la bordure marron, car il n'y avait plus de peinture jaune. Ah ! Ce matin Bachelart a dû venir au cercle car les fenêtres sont peintes en marron clair et il y a une boîte de peinture sur la table. Bon. A 3 heures, on alla aux douches, et après s'être lavé et changé, on remit de l'ordre, on balaya, on se fit un Nescafé. Juste quand on dégustait, voilà Bachelart qui arrive avec sa pétrolette. On lui fit bien sûr un Nescafé, et on discuta pendant 20 mn. J'allai chercher le panneau de lampes dans la salle de réunion. Il partit ensuite aux Andelys pour voir s'il y avait du carton là-bas. Il nous avait dit aussi qu'on terminerait la peinture avec de la peinture à l'eau qu'il y a à l'école. Après son départ, on suspendit le tableau dans un coin pour cacher le mur dégueulasse à cet endroit. Puis on balaya et on rangea les tables qu'on recouvrit de rideaux bleus. Le cercle est très joli comme cela maintenant. Mais il faudrait sortir l'établi qui nous gêne. On eut fini juste pour l'étude. Après manger, on alla au cinéma. Le film était « L'oiseau de paradis », un film merveilleux en couleurs racontant une histoire d'amour dans une île du Pacifique, entre un jeune blanc et une polynésienne admirablement belle, aux yeux d'un bleu profond, sous le ciel bleu et le climat de rêve des îles Hawaï. C'est une belle histoire ; la jeune fille, enfin mariée au blanc après maintes péripéties amusantes et angoissantes, doit se jeter dans un volcan en éruption pour l'éteindre et sauver son peuple de la mort. Elle est très mystique, et pour ces indigènes, la mort ne compte pas : ils se reverront au ciel. Ce film m'a profondément troublé et ému et je crois sincèrement que je m'en rappellerai toujours.
Dimanche 6 octobre
Enfin dimanche, jour de repos. Exceptionnellement on s'est levé à 7h1/2, et à 8h1/2 on était en étude. Après celle-ci, on est allé au cercle avec BB. On a fait des étagères à l'armoire 51, réparé la porte, et vidé les saletés. On a aussi bouché quelques trous du mur et peint une bande marron clair au-dessus de l'endroit qu'on n'a pas pu peindre. Puis ce fut la soupe. Après quoi, on alla tous s'asseoir sur la barrière près du poste de police, au soleil, et on bavarda en attendant 1h1/2, heure à laquelle Bourgeois, Croës et Trichot pouvaient sortir en ville comme ils en avaient l'intention. Moi je reste ici, car mon motif est : économie pour les disques. J'allai donc au cercle et je terminai la peinture de la bande de marron ; je terminai aussi l'armoire. Puis, ayant le « cafard » (solitude qui me pesait), j'ouvris la fenêtre et, pensant qu'un peu de musique me distrairait, m'enlèverait ce sentiment pénible, je partis à la recherche du Capitaine ou d'un troufion pour pouvoir chercher le tourne-disques dans le bureau du Capitaine. Mais je ne trouvai personne. Par contre, derrière les escaliers de 3ème, je vis tout un amalgame de bidons d'huile, d'essence, de sacs de plâtre, de ciment, de peinture. Quelle aubaine pour nous et finir la peinture du cercle. Mais comme on est en tenue de sortie aujourd'hui, on verra ça demain. Je retournai au cercle avec Lestringuez qui voulait fumer tranquillement sa cigarette, et je me mis à ranger les livres qui étaient là, sur une étagère, tout poussiéreux. J'y adjoignis les miens que j'allai chercher là-haut. Puis, voyant l'adjudant dans la cour, j'allai lui demander le tourne-disque, ce qu'il m'accorda. Mais malheur ! L'ayant descendu au cercle,je m'aperçus qu'il était tout abîmé : le bras était enlevé de son support, et les fils à moitié arrachés. De plus, la prise spéciale adaptée au saphir a disparu. Comment faire pour en faire une autre ? En me creusant les méninges, je me fis un nescafé, je cherchai mon goûter et je mangeai tranquillement. Je cherchai ensuite une pièce, un morceau de bois quelconque, qui irait dans la prise minuscule. Soudain, eurêka, je pensai aux touches du piano : j'en sortis une, je la démantibulai et je la limai pendant un bon moment pour qu'elle ait la forme voulue. J'y fixai ensuite deux cosses relais de chaque côté avec deux punaises, j'y soudai deux fils que je rejoignis aux deux autres bouts qui restaient et je les blindai. Je remis le bras en place, je plaçai un disque : rien. Pas un son ne sortait du haut-parleur. Je tâtonnai, rectifiai, et enfin j'entendis la belle musique du sieur Ravel. En écoutant quelques disques, je rangeai le cercle. Mais mon système ne marchait pas bien, à chaque disque je devais rectifier la position de la prise. A 6 heures environ, Bébé, Trichot et Croës revinrent des Andelys, et on écouta des disques en discutant. Après la soupe, je fonçai à la télévision, et on regarda un film, « Les grands veaux ».
Jeudi 10 octobre
Lundi : rien de bien. On écoute des disques pour passer le temps.
Mardi : c'est pareil. On a touché des survêtements.
Mercredi : à 1h30 on est allé voir Bachelart. Il secouait ses couvertures. On a vu près de la baraque des sous-officiers des tiroirs qui ont l'air d'être au rebut. A 4 heures, Bachelart est arrivé quand il y avait plein de monde dans le cercle qui écoutait des disques. Il avait chargé 4 bleus de tout son matériel et bouquins ; on discuta, on dressa une partie de l'emploi de ces objets ; je lus le nouveau cahier, on installa tous les livres sur une table pour qu'ils soient bien en vue, on a sorti l'établi qui nous gênait et on l'a mis dans le cercle auto à côté. Puis on a vu là-dedans un casier qui ferait l'affaire en tant que bibliothèque, on voulut le piquer et sortir une autre table. Mais Bachelart se rappela soudain qu'il y a demain visite de l'intendant et que toutes les fiches d'inventaire ont été ramassées. On fera ça plus tard.
Jeudi. A 8h30 il y a eu devoir surveillé de Maths. Ce vache de Delapierre nous a déjà sacqués : tout le monde a séché, sauf Pécore qui a à peu près trouvé. Moi, j'ai queuté, et si j'ai 1 ce sera beau. C'était un seul petit problème de 3 lignes, et c'est justement cela qui nous a perdus, car si on ne trouvait pas, il n'y avait rien d'autre pour nous rattraper : c'était 0, 10 ou 20. J'étais assez énervé en sortant, mais le P.P. me rasséréna : « Celui qui le trouvera sera fort », a t-il dit, et je ne pense pas qu'il comptera pour la moyenne. J'allai au cercle ensuite. Bourgeois y était déjà avec Bachelart et ils balayaient. On rangea un peu tout, et il partit en ville. Massiat revient au cercle, ce qui fait que l'on est 5 si on compte Pécore. On se mit alors à peindre l'armoire avec ce qui reste de peinture. On écouta des disques et je lus le Science et Avenir de Jorry. Prével et Froideval sont là, car ce soir on va fêter l'anniversaire de Prével à 7 ou 8 en buvant un coup que Prével a payé (3 bouteilles). Après manger, on s'est mis en survêtement, on est allé au cercle, BB a fini la peinture de l'armoire, j'ai mis des rideaux aux fenêtres et on a fêté l'anniversaire en débouchant les bouteilles de Champlure et en écoutant un disque. Puis j'ai lu un peu Science et Avenir, et on est allé au terrain de sports voir Bébé jouer au basket contre les 3èmes. Ils ont perdu 19 – 16, mais ils avaient 10 points de handicap. A 4 heures Bachelart est arrivé, on a mis un peu d'ordre, on a sorti la table dans le cercle auto, on a discuté en écoutant le disque de l'école. J'ai regardé si mon ampli marchait et on est allé en étude. J'ai aussi rendu mon paquetage de Suisse.
Samedi 12 octobre
Ouf ! Ce matin les cours ont passé assez vite. Mais voyons vendredi : à 4 heures, j'étais seul au cercle avec Bachelart, les autres avaient foutu le camp au terrain pour voir le match. Il avait amené le tourne-disques de son poste, qui ne marche plus. On parla un peu de projets (toujours !), il dessina au tableau le schéma d'un nouvel orgue électronique, pendant que j'essayais de réparer un peu mon ampli. Bon ! Aujourd'hui samedi, seuls BB et moi nous intéressons au cercle. Croës est allé faire du sport. Juste après manger, Bachelart est arrivé avec son immense engin qui ne marche pas, et une pile de disques qu'il va peut-être acheter. On fit passer une de ses symphonies de Mozart tout en mettant des rideaux blancs aux fenêtres, et du papier à couvrir sous le tableau et devant une table. Puis on fut embêtés par des types de 1ère qui voulaient écouter des disques de jazz. A 2h1/2, Bourgeois alla aux douches et Bachelart en ville acheter une lampe pour son poste et du fil pour le cercle. Quand il revint, j'avais réparé l'ampli et je passais un disque. Ça ne marche pas très fort, mais ça marche. J'allai ensuite aux douches et je revins au cercle. Bachelart essayait de réparer son engin, et au bout d'une heure, ça marchait. On goûta un peu, mais je fus interrompu par Massiat qui m'amena chez le chef de musique qui m'appelait. Il me remit mon bugle, une giberne, un ceinturon et des cartons. On discuta, fort amicalement d'ailleurs, et je repartis. J'eus juste le temps de finir une cigarette, d'écouter la radio en rattachant les rideaux. On fut un peu en retard à l'étude. Après la soupe, Bachelart était au cercle. Il termina son poste et l'amena en Cie B. Puis on alla voir le film « La Tunique », film qui se passe au temps des Romains et de Jésus-Christ. C'était bien, en couleurs et cinémascope.
Dimanche 13 octobre
Après le travail habituel et avant l'étude, j'allai au cercle allumer le poêle. Il prit, et j'allai en étude. Après l'étude, j'allai au cercle. Le feu était presque éteint ; je le rallumai, puis Bourgeois arriva, et tout de suite après Bachelart sur sa pétrolette. Il reprit des mesures de rideaux, plafond, etc...et repartit en ville pour voir s'il trouverait tout cela. Il nous dit de mettre les prises durant son absence, il tripota le disjoncteur pour essayer de le régler, et n'y arrivant pas il partit. Je fixai les deux prises comme il l'avait dit. Bachelart revint de la ville, il n'avait bien sûr rien trouvé, mais rapportait des croissants pour se morfaler cette après-midi. On discuta avec Massiat, on remit le disjoncteur, puis ce fut la soupe. On ne ferme plus la porte, car la serrure est encore détraquée : elle se ferme, mais tintin pour la rouvrir. Donc, après la graille où on mangea du poulet, on retourna au cercle. Pour ne pas se salir, et quoique ce fut défendu, on se mit en survêtement et on descendit des stücks pour 4 heures. On rangea alors de nouveau le cercle comme il faut, Pécore était là par hasard, on voulut faire une planche à outils, mais on s'arrêta car on l'avait peinte pour qu'elle ait meilleure mine, et elle n'était pas sèche. On attendit alors Bachelart en lisant et en bavardant. Mais à 2 heures, toujours rien. Les bleus allant au cinéma, on s'est dit « Le film (et l'actrice!) lui ont plu, et il est retourné les voir. Bébé était en train de réparer la table branlante, je l'aidai un peu, puis on alla tous les deux en Cie B, car Bachelart nous avait promis le tourne-disques pour aujourd'hui. Comme il ne l'avait pas amené lui-même, eh bien on est allé le chercher. On arriva dans son alcôve, on vit des disques sur le lit, on en fit passer deux de bien, on piqua des punaises plantées au mur, et comme c'était l'entracte du cinéma, on alla lui demander la permission de prendre son monument. Deux précautions valent mieux qu'une ! Bien sûr, il nous autorisa gracieusement (hum!) et on embarqua l'engin et des disques. On arriva au cercle, c'était la grosse foire : 2 ou 3 mecs visitaient le cercle, touchaient à tout. On les éjecta avec Bourgeois, et on passa quelques disques, moi en lisant Science et Avenir, Dannhauer et Croës en jouant aux échecs, et Bourgeois arrangeant encore la table branlante. Il réclama mon aide, puis on alla se faire un Nes avec la bouilloire à Prével qu'il nous a généreusement prêtée (ou plutôt confiée, car on n'a plus le droit de faire de Nes). Mon pain d'épices fut avalé en 2 temps 4 mouvements, et Bachelart rappliqua sur la fin de notre repas. Le cinéma ne lui plaisait plus et il était parti. Il prit sa pétrolette et nous promit de revenir à 4 heures pour le goûter. Celui-là aussi parle par le ventre. Il partit au Château-Gaillard faire une promenade. On continua à jouer, puis comme il nous l'avait demandé avant de partir, on découpa sur « Système D » tous les articles se rapportant à la radio. Ça en fit un petit tas. A 4h30 seulement Bachelart arriva...à pied ! Sa pétrolette était restée en panne au Château, et il avait dû revenir à pied. Bonne promenade ! On goûta avec ses croissants, on discuta sur l'orgue, puis il prit un bouquin et alla en étude. Pendant ce temps, on continua les découpages, et un chef, amateur de musique, fut tout étonné en passant de voir qu'on aimait aussi la grande musique. Il nous demanda la permission d'amener ses disques pour les passer. On fut d'accord (comment ne pas l'être?) et on passa notre temps ensuite à écouter ses chants liturgiques (c'est un séminariste), moi en ne faisant rien, Bourgeois tapant sur un cendrier (bol cassé) pour le polir, Dannhauer et Croës faisant les ânes. Hébral était entré et écoutait aussi la musique. Quand il partit, on dit ouf ! Et on se rhabilla. On mit une gravure au mur, on rangea, balaya ; on monta nos affaires en haut et on revint au cercle écouter des disques jusqu'à la soupe. Disque préférés passés aujourd'hui : 5ème symphonie A.Dvorak « du nouveau monde », 4 saisons de Vivaldi, Capriccio espagnol, l'Arlésienne, Petite musique de nuit, Toccata et concerto en ut, rythmes d'Amérique latine, chansons. Après la soupe, je « rochai » à la télé. J'eus de la place assise, et après m'être déshabillé, je regardai le film « La main du diable ». C'était bien, mais ça vous donnait parfois des frissons. Un film qui fait peur. Après, on se coucha.
Jeudi 17 octobre
Lundi : Bachelart est là maintenant à 1 h et à 4 h. On a mis le fourneau en place à 1 h, en faisant des échanges avec le cercle auto. Les mains étaient sales. A 4h, rien de particulier, Jo (Bachelart) et Bourgeois sont en salle de musique réparer le poste du Chef. Moi je mets de nouvelles plaques de carton dans les casiers à matériel, car je ne veux pas que le chef de musique me voie.
Mardi. A 1h, Bachelart nous a fait allumer le feu, car il va travailler toute l'après-midi dans le cercle. A 4h, il fait bon, mais je ne peux pas venir, je suis à la musique. A 5h j'arrive, juste pour voir le poste du chef de musique qui était là, et Bachelart qui fichait le camp. 5 cas de grippe asiatique à l'école. Boisson chaude à 4h.
Mercredi. On a encore allumé le feu à 1 heure. Bachelart essaie de réparer la pointe du tourne-disques de la boîte. A 4 heures il est là avec tout son bataclan : livres, serviettes de papier, même carnet de chèques ! Il nous expliqua le phénomène de la charge d'espace.
Jeudi. Ouf ! Devoir d'Allemand ce matin. Cette vache de Lafont nous a sacqués comme un gros. Un devoir où on ne connaissait pas la moitié des mots. À 10h30 je sortis avec une grosse tête. On distribua les briefs. Je n'en ai pas. Puis on dut se dégalonner et porter ses galons et écussons au bureau. Enfin on alla au cercle. Lambolez et Fon-Fon vinrent nous faire ch... après en voulant écouter un disque à eux (rock'n roll). En désespoir de cause, j'allai à la musique. On essayait justement la pompe à incendie, et on regarda cela un moment. Le chef de musique nous fit répéter 2 ou 3 marches, et on partit. J'allai au cercle. Le feu marchait bien, mais Fon-Fon et Lambolez étaient toujours là, à écouter leur disque idiot pour la Xième fois et chercher les paroles. Bébé faisait une mine renfrognée, et il y avait de quoi. Midi enfin ! Je respirai quand ils partirent, mais quand ils dirent qu'ils reviendraient cet après-midi, je me mis en colère, mais sans le faire voir, en me disant : « Vous verrez ça ! La porte sera bouclée toute l'après-midi, et vous n'entrerez pas. » Mais par malheur je fus de pluches ce jour-là, et quand j'arrivai au cercle, il était envahi déjà par une multitude de c...(10 environ) qui passaient des disques. Cette fois j'étais en colère pour de bon, et je ne pouvais rien faire pour les mettre dehors. Je m'amusai à tripoter la tête du tourne-disques de la boîte, et Bachelart arriva, amenant de la peinture, de la colle, du papier à couvrir en quantité industrielle. Il fut aussi mécontent de voir tout ce monde ici, et se mit en devoir de réparer l'électrophone. On fit chauffer le petit fer, et je m'excitais de plus en plus. Bachelart enfin eut réparé son électrophone, et puisque tout allait bien, il nous vint une idée géniale : faire un court-circuit ! Ainsi, plus d'électricité, plus de disques emm.... ! On fit semblant de ne pas trouver la panne, et en désespoir de cause, ils partirent. Ouf ! Il était 3 heures. On profita de l'incident pour voir le sens de branchement des fusibles, puis on décida de faire un Nes. Je montai au dortoir, et je voulus défoncer la porte. N'y arrivant pas, je pris une barre de 2m environ qui était sur le palier, et je descendis. La barre, c'est pour la mettre devant la porte, et y accrocher des rideaux pour que ça fasse bien et que le froid n'entre pas. Bachelart était parti en Cie B chercher une serrure. En entrant, je vis qu'ils n'arrivaient pas à faire chauffer la bouilloire à Prével, les plombs sautaient chaque fois. Je pris BB avec moi, et on fit sauter la porte. Ce fut dur, car Isaac (Fon-Fon) avait fermé à double tour. On prit le sucre, et on n'arriva plus à fermer la porte. Bébé, très froid, se mit à démonter la serrure qui d'ailleurs était plutôt branlante. Mais malheur ! Vla Fon-Fon qui se radine ! Aïe ! Mais par un grand hasard, il était de bon poil sans doute, il ne nous dit rien, rigola, et s'en alla. On remonta ensuite la serrure, on referma la porte et on redescendit au cercle. Je découvris la cause du court-circuit : 5 lampes et la bouilloire sur le secteur, c'est de trop. Aussi on ferma 3 lampes, et tout marcha bien. On se mit à monter la serrure ensuite, et on alla chercher nos quarts en classe. Mais on fut troublés, et comment, par la visite du Capitaine Charpentier et d'Abgrall, et après un entretien avec Bachelart, ils partirent. On était plutôt abattus ! Bachelart part en Algérie, et pas plus tard que demain ! En faisant chauffer l'eau, il commença à prendre tout son matériel personnel, ses livres, etc...On but le Nes, on goûta au réfectoire en vitesse et on revint. On rangea ses affaires dans un carton et on le porta dans sa chambre. On discuta ensuite un moment, puis Bourgeois et Dannhauer partirent pour voir ce que voulait Coulon qui était au cercle. Je restai seul avec Bachelart qui discutait avec Abgrall et des troufs. Puis je montai avec lui pour l'aider à ranger ses affaires pour demain. Il me donna des cartes de visite à donner aux copains. Il me dit qu'il n'était pas très content de partir, car dans 4 mois il aurait été libéré. 4 mois en Algérie ! C'est ridicule ! Il me parla aussi de son vélomoteur. Il le laisserait au cercle, et son temps fini, il viendrait le rechercher à l'école. Il me dit même que l'on pourrait s'en servir si l'on voulait. C'est gentil de sa part. Puis deux troufs arrivèrent et ils discutèrent politique. A 5h1/4 je partis, emmenant un poste sous mon bras, un poste qu'il devait emmener chez lui ; mais qu'il nous laissait aussi. Ceci fini, j'allai en étude. Je terminai ma disserte, ou presque. Le poste marche bien, on l'écouta après la soupe.
Samedi 19 octobre
Ce matin à 11 heures, Bourgeois vient me demander la clé du cercle, car Bachelart est à la porte avec tout son matériel qu'il rapporte au cercle, car son départ a été ajourné pour une durée indéterminée. Tant mieux. Après manger, on va au cercle. Bachelart a tout bien rangé, aligné, balayé, nettoyé, etc...Avec Bébé et Croës, on va voir en Cie B si on le trouve, mais il n'est pas dans son dortoir, et un infirmier nous conseille de décamper car il y a déjà 70 cas de grippe en Cie B. On attendit Bachelart en fumant et en écoutant la radio et en regardant ses livres. Vers 2 heures il vint, un petit poste sous le bras, avec un autre chef. Il voulait aller aux Andelys avec son engin pétrolifère, mais celui-ci l'a lâché en route, et il l'a laissé au bord du chemin et il est revenu à l'école. Il ne s'en fait pas, lui alors ! On alluma le feu, car ces messieurs avaient froid, et ils se mirent à dépanner le poste. A 2h30, Bébé alla aux douches, et à 3 heures ce fut mon tour. La panne fut trouvée juste avant 4 heures, et après le goûter, le poste remis dans la boîte. Il pleuvait. Ensuite, on discuta un peu, puis ils partirent et on alla en étude. Après manger, on alla au cinéma voir le film « Prince Vaillant », en couleurs et cinémascope. C'était assez bien, et on revit dedans la même actrice qui jouait dans « L'oiseau de paradis » et qui est si jolie (Debra Paget, anglaise je crois).
Dimanche 20 octobre
Lever 7h30 comme d'habitude maintenant, et on se met tout de suite en tenue de sortie pour la graille. Après le rangement, on alla en étude ; j'écrivis ma lettre à Maman et je fis un peu de français. Après l'étude, on alla en Cie B voir Bachelart, mais on battit en retraite en entendant le nombre de malades : 107 sur 190 au total. La Cie B est plutôt décimée. Alors on alla au soleil près de la barrière, et on vit Bachelart qui nous dit chercher partout sa mobylette, car elle a disparu du bord de la route. Puis on alla au cercle et on discuta avec Rouyer et Trichot en écoutant la radio et en rangeant le cercle. Après manger, on prit une photo dans le cercle au flash, et on partit retirer nos permissions pour aller en ville.



Rouyer, Bourgeois, moi, un « bleu », Dannhauer, Ugon. Les autres sont des « bleus » de la 6ème de Bachelart.

















Je travaille dans la cabine de projection de la salle de cinéma

On fit le chemin tranquillement en fumant une cigarette. On était 4 : Bourgeois, Croës, Trichot et moi. Tout d'abord, on alla voir le titre du film : « Celui qui doit mourir » ; Trichot alla acheter les billets pendant qu'on l'attendait pour aller boire un coup. Mais comme il tardait, on s'installa tout de suite dans le cinéma. Le film fut bien, émouvant. C'est la première fois que je vois un film en cinémascope et pas en couleurs. Après le ciné, on alla s'attabler à notre bistrot préféré, et après une orangeade vite envoyée, on alla acheter des gâteaux. En dégustant, on revint vers le cinéma et on se promena sur le boulevard. On visita, Croës et moi, un cimetière d'autos, et il trouva une ampoule encore bonne. Je la lui pris et il ne fut pas content. Il prit mon bâche et je jetai l'ampoule. Bourgeois intervint en le lui piquant et en me le rendant. Il était rouge de colère. Je ne le croyais pas si susceptible quoique ce fut moi qui avais tort. On revint alors tranquillement à l'école. On alla au cercle se reposer en écoutant la radio, et Croës ne fit que faire des bêtises, ce qui m'exaspérait car je suis sûr qu'il le faisait pour se venger de l'ampoule en ville. Petit rancunier ! Je lus le journal et le bouquin de radio. Après la soupe, ce fut le « roch » à la télévision, j'arrivai un des premiers et on eut des places assises sur les chaises. Le film était : « Rome ville ouverte », ça se passait pendant la guerre de 1945 avec les Boches et les tortures. Ça ne m'a pas tellement plu.
Jeudi 24 octobre 1957
Lundi. A 4 heures, pas de Bachelart. Aussi je recopie ses notes sur le décodeur (secret !) lorsque le voilà qui s'amène. En 3 coups de cuillère à pot tout est rangé et planqué et il ne s'aperçoit de rien. Ça sonne et on va en étude.
Mardi. Bachelart est tout l'après-midi au cercle et répare son petit poste à piles. Comme le chef de musique est malade, pas de musique ce soir. Après le goûter on va au cercle, par hasard Dannhauer est là. On a une petite lampe relais, et Bachelart nous demande de trouver quelque chose auquel il puisse servir, puis il se lance dans une explication sur son décodeur, son laboratoire et ses collègues à Saclay, lorsque ça sonne. A demain.
Mercredi. A 1 heure on a allumé le feu, et à 2 heures Bachelart est là et s'apprête à bûcher. A 4 heures on vient, et quand il arrive on cherchait le sens de branchement du relais thermique. Il nous donna un meilleur moyen de chercher, avec une lampe, et on installa au-dessus de la planche à outils une lampe avec deux fils et une pointe de touche pour faire des tests quand on en aurait besoin.
Jeudi enfin. A 8h1/4 on a fini notre boulot habituel, et en attendant le devoir surveillé à 8h30, on discute, Bourgeois, Trichot et moi, de satellites artificiels, de fusées, etc...A 8h30, devoir de Maths : même chose que la dernière fois, je n'ai rien trouvé, et cette fois-ci le devoir comptera. Bah, tant pis, les notes ne m'impressionnent plus beaucoup maintenant, c'est le travail qui compte. Bourgeois a su faire la 2ème question. Après on va au cercle, il est 10h30. Je n'ai pas entendu l'appel à la fanfare, donc pas de musique, ça me pèle. On allume le feu qui met du temps pour prendre, et on discute un peu en regardant quelques livres. Puis la soupe sonne. On y va, et le repas vite envoyé, on va en Cie B chercher Bachelart que l'on voit en train de discuter. Il est crevé et il a la grippe. On retourne alors au cercle, on va chercher du sucre et du Nes et nos bouquins au dortoir, et après s'être mis à l'aise, on commence à bouquiner, moi « Les femmes s'en balancent » (sic) et Bourgeois « Retour à demain », mon bouquin. Croës et Dannhauer sont en ville au photographe. On lut tranquillement jusqu'à 2h30 environ, heure où Bachelart arriva. On commença à discuter de l'orgue et on décida de faire un schéma de câblage qui serait monté sur le châssis d'alimentation, ce qui ferait un montage complet. On chercha les caractéristiques des lampes, leur place, leur emploi, etc...Le plan avançait peu à peu : alimentation 6X4, oscillateur 6Q7, liaison 6507, préampli 6Q7, ampli 6V6. Il faut maintenant 4 lampes au lieu de 2 du premier montage. On fut dérangé par la camionnette qui nous apportait du charbon, puis par Croës et Dannhauer qui revenaient du photographe. Après le goûter, on de prépara un Nes, et Bachelart fixa définitivement la lampe sur la planche à outils avec du chatterton. A 4h30 il dut nous quitter car il avait réunion avec le Commandant.
Samedi 26 octobre
Vendredi. J'ai musique, mais je ne m'en rappelle qu'à 4h40, et je n'y vais donc pas. Bachelart est venu à midi, le cercle était fermé à clé. Il me dit que c'est un ordre du Commandant, que les élèves ne doivent aller au cercle qu'en compagnie du chef de cercle. Quelle tuile ! Le magnétophone est là, Bachelart en a fait une révision complète. Quand il partit à 1h1/4, Bébé et moi on s'amusa à le faire marcher, ce qui nous rappelle de bons souvenirs (missions clandestines). A 4 heures Bachelart est là, avec un journal de documentation sur différents appareils de mesure et il nous en explique le fonctionnement car c'est les mêmes qu'il a à Saclay. Ainsi jusqu'à l'heure d'étude.
Samedi. Ce matin, j'ai eu quelques bonnes notes auxquelles je ne m'attendais pas, en particulier 16 en anglais.
Dimanche 27 octobre
Il y a la messe du souvenir aux Andelys, mais je n'ai pas voulu y aller après l'étude. On est allés au cercle, mais prudemment, car le Bins était dans le coin. On fit quelques rangements, et on alla se balader dans la cour. Après manger, Bébé alla se balader avec je ne sais plus qui et moi j'allai au cercle, pris le schéma de câblage presque fini, et je me mis au boulot. Je commençai à câbler, très correctement ma foi, et à 3 heures j'avais fait l'alimentation et l'ampli de puissance, mais il n'y avait plus de soudure. On se fit un Nes et on discuta ensuite jusqu'à la soupe. Après manger, on alla à la télé.
Lundi, mardi, Mercredi 28, 29 ,30
Bachelart est à l'hosto avec une bonne grippe. On ne va presque pas au cercle, sauf pour bûcher l'anglais (mardi) en écoutant la radio, et mercredi pour réparer un bugle et un clairon de la musique. J'ai demandé à Coulon de quitter la musique, mais il a refusé en me disant que si j'avais du boulot les jours de répétition, je n'aurai qu'à le lui dire et il me laisserait partir. Qu'il compte là-dessus, je ne viendrai plus.
Jeudi 31 octobre
Aujourd'hui, jour de départ en permes pour 3 jours. Je vais chez tante Eugénie. On est en tenue de sortie dès le matin, et à 8 heures on a devoir surveillé jusqu'à 11 heures. Trois heures pour faire le devoir de boche. Mais un peu sacqué le devoir. Je ne savais pas la moitié des mots, mais je m'en suis tiré grâce à Sabart l'éducateur qui voulait partir et qui nous a aidés à finir plus vite. J'ai pris ensuite un livre de bibliothèque et je suis monté astiquer mes boutons et brosser ma capote. Les nouvelles capotes ne me plaisent pas beaucoup. Je suis ensuite allé au cercle, mais je n'ai pas pu finir le clairon de Coulon. A 11h30 on a mangé, et à midi on est parti en car. A Gaillon, j'ai acheté un paquet de Craven. J'étais dans un compartiment avec un pion et sa femme. On a bien ri, surtout à Vernon où tout le monde regardait dehors les jolies filles, et où la femme du pion a dit : « Oh les pauvres, ils en profitent maintenant ! Ils en sont tellement privés à l'école ! ». A 2h1/4 on était à Paris. Comme par hasard Bachelart n'était plus malade pour aller en permes. J'ai dit au revoir à Bourgeois, et je suis allé à Saint Germain des Prés acheter le « Formulaire de la radio », et, voyant un magasin de disques à proximité, j'en ai profité pour acheter la « Petite musique de nuit ». Ensuite je suis allé chez Tante Eugénie à Champigny. J'ai lu un livre de mon cousin Jean-Claude « Croisière dans le temps », et à 7 heures il est arrivé avec sa soeur Yvette. On a discuté, on a mangé et on s'est couché. On a lu un peu avant de dormir.
Vendredi 1er novembre
Lever 9 heures, après ½ heure de lecture. Après le petit déjeuner, j'ai bien dû aller à la messe avec Yvette, c'était casse-pieds. De retour, on est allé avec Jean-Claude faire la tournée des bars et jouer au baby-foot et au billard électrique. Ils attendaient de la visite de Rouen qui n'est venue qu'à 1 heure. J'ai lu un autre livre : « Les conquérants de l'univers ». Après manger (2h30), je suis descendu et j'ai lu un autre livre : « L'homme multiple ». A 4h30 Jean-Claude, un ami, Yvette et moi on est allé au cinéma voir « Les collégiennes ». Ce n'était pas mal. A 7 heures, fin du film, on a écouté mon disque et plusieurs autres, j'ai lu, on a mangé, on est ensuite retourné au cinéma, toute la famille, voir : « Le feu aux poudres ». C'était bien aussi.
Samedi 2 novembre
Lever 9 heures après lecture. Jean-Claude fait le pompiste du garage de son père pendant toute la matinée pendant que je lis « Retour du Météore ». A 11h30, on va faire un petit tour et quelques parties de baby-foot. On a mangé tous les deux avant les autres, puis on est redescendus en bas et j'ai fini mon livre, illico suivi par un autre : « La planète vagabonde ». A 3 heures les Rouennais nous ont emmenés en auto à Paris et nous ont laissés place de la Bastille pendant qu'ils allaient au Salon de l'Enfance. On a fait quelques parties de billard électrique, et après avoir été refoulés par un tenancier qui déclarait le billard interdit aux moins de 16 ans, on est allé au cinéma voir « L'épée de la vengeance », en couleurs. Ça ne cassait pas des briques. On est ensuite retournés à Champigny en métro et autobus, on a cassé la croûte en rentrant et on a lu et écouté des disques. On s'est couchés et j'ai lu tout un bouquin avant de m'endormir « Planète vagabonde ».
Dimanche 3 novembre
On s'est levé assez tard comme d'habitude et j'ai commencé un autre bouquin : « Révolte des Triffides ». J'ai lu en bas jusqu'à 11 heures et j'ai fini le livre. On a mangé à 11h30, et on est partis tous les deux à Paris, au Parc des Princes, voir un match de football Toulouse Racing. C'était fini à 4h30, j'ai dit au revoir à Jean-Claude et je suis allé à la gare Saint Lazare pendant qu'il retournait à Champigny. J'ai acheté un ticket et j'ai rencontré Bachelart à un bistrot. Il a ramené du matériel de chez lui : soudure, condensateurs, fil, E90CC. On va pouvoir travailler. On a discuté, puis on est allé au train. J'ai acheté 2 bouquins d'Anticipation : « Cité Noé n°2 » N° 100 de J.Guieu, et « Les chevaliers de l'espace » de J.G.Vandel N°7. J'ai retrouvé Bourgeois, et j'ai lu jusqu'à Gaillon où on a bu un pot avant de rejoindre l'école en car. Je ne suis pas allé à la soupe, mais j'ai rangé toutes mes affaires et j'ai lu jusqu'à ce que Le Thielleux éteigne la lumière.
Jeudi 7 novembre
Lundi. Bachelart est au cercle. On essaie l'ampli de l'orgue que j'ai déjà construit l'autre jour. Il marche bien. On range aussi le matériel de Bachelart.
Mardi. Exercice de défilé pour le 11 novembre. La musique est affreuse. Je rejoins le cercle à 5 heures. Bachelart va faire un plan de câblage de l'orgue, et on a réexpérimenté l'ampli qui ne marche plus (alimentation).
Mercredi. J'ai allumé le feu à 1 heure. Mais ça n'a servi à presque rien, à 4h30 on est allé dans le cinéma pour réparer un truc, mais c'était occupé et on est revenu au cercle où on a bricolé jusqu'à 5 heures.
Jeudi. Exceptionnellement il y avait classe aujourd'hui avec horaire du samedi, pour rattraper les vacances de Toussaint. Donc le matin classe normale. Aurian a rendu nos dissertations. Je suis balaise : 10,5/20. C'est une note assez bonne. L'après-midi, devoir surveillé de Maths, mais on sait à peu près ce qu'on va avoir : un problème qui est dans le livre. C'était assez facile, et j'ai suffisamment bien réussi. A 4h30, tout le monde se mit en demi tenue de sortie pour exercice de défilé. L'exercice de défilé était pénible : mauvaise musique et un froid de loup. On n'est entré en étude qu'à 6 heures. J'ai fait de la Physique seulement. Après manger, étude facultative. Trichot a la règle à calcul que Delapierre lui a prêté, et on est resté ½ heure à faire des opérations dessus. Puis on est monté et j'ai terminé mon livre « Cité Noé n°2 »
Samedi 9 novembre
Vendredi. A 4h20, je suis à la musique, car le Commandant la passe en revue. Ensuite je vais au cercle, il n'y a personne et il fait froid. J'allume la radio et Bébé me rejoint. On remet le culot que Bachelart avait enlevé en en piquant un autre au cercle auto. Puis on rebobina le transformateur et ce fut l'étude.
Samedi. Matinée normale, mais je crois que l'après-midi va être chargé : douche, astiquage des instruments de musique entre autres. Je ne me suis presque pas trompé. Après manger, j'ai fait quelques retouches à l'ampli de l'orgue, et j'ai lu un  peu, puis on est allé aux douches, et ensuite à la musique. Le blanc des gibernes ne tenant pas, j'ai pris mon ceinturon et ma giberne, et après avoir astiqué mon bugle, je les ai emmenés au cercle où je leur ai passé une couche de peinture à l'huile. Là au moins ça tient. Après manger, on est allé au cinéma. C'était : « Les gladiateurs » en cinémascope et en couleurs. C'était très bien (suite de « La tunique ») et D.Paget, celle qui jouait dans « L'oiseau de paradis » était une actrice du film. Elle est vraiment très belle (la plus belle que j'aie vu, certainement).
Dimanche 10 novembre 1957
Le matin, en tenue de sortie comme d'habitude, et étude de 8h à 10h. J'ai écrit à Jacqueline. Après je suis allé au cercle et j'ai allumé le feu. Mais il y avait exercice de défilé et jusqu'à midi on a répété la cérémonie de demain. Après manger, on est monté au dortoir se mettre en survêtement (Bébé du moins) et pour chercher du sucre. On a poiroté jusqu'à 2 heures en attendant que Bachelart vienne. On faisait de la règle à calcul que Bachelart nous a prêté pour passer le temps, et Croës et Dannhauer faisaient encore des conneries pendant que j'examinais l'alimentation de l'orgue qui n'a pas l'air de vouloir marcher. Puis, en ayant marre d'attendre, ils partirent. Deux minutes plus tard, Bachelart arrivait. Il regarda l'engin, et me dit qu'il avait pris une photo avec mon appareil. Je veux bien, puisqu'il m'a dit qu'il achètera une boîte d'ampoules flash, ça compense. Sans que je m'en aperçusse, il me prit alors que j'examinais l'orgue. On fit ensuite des essais, mais rien ne marchait. Bébé et les autres arrivèrent alors, et on prit encore 2 photos. On se mit alors à encore réparer le poste de Cie B qui n'a pas l'air en très bon état. Les 3 autres discutaient avec la règle à calcul, et Bachelart et moi on essayait de réparer l'engin, plutôt lui que moi, et à la fin les résultats furent à peu près satisfaisants. Mais à 5 heures il dut partir dans son étude. Au bout d'un moment, ils partirent tous à la télé, et je restai seul. Comme il m'avait dit que son tourne-disques était resté dans la cabine de cinéma et qu'on pouvait le chercher si on voulait, j'y allai, mais les portes étaient toutes fermées. Je revins donc, et en écoutant la radio, je feuilletai ses classeurs sur le décodeur, et je tombai par hasard sur une brochure qui m'intéressa prodigieusement, et que je me mis à feuilleter pendant ½ heure : « Somme des connaissances exigées pour l'admission à l'Ecole Polytechnique ». Vous pensez si ça me plaisait ! Il y avait tout là-dedans : cotation de l'examen, matières enseignées à l'EP avec coefficients, examen, nombre de leçons, durée de l'enseignement, etc...Il y avait aussi le détail de chaque matière avec son programme ; comme cette école est essentiellement destinée à l'enseignement mathématique, je n'ai rien compris aux programmes de toutes les matières, car cela parlait d'intégrales, équations différentielles, coordonnées cylindriques, etc...M'étant ainsi un peu renseigné, je me mis ensuite à un autre boulot : remettre en place la pellicule de l'appareil qui est coincée dedans. Bourgeois arriva juste à ce moment, et il m'aida. On entoura une lampe de papier rouge, et on éteignit les autres. Il faisait très sombre, mais on voyait suffisamment pour ouvrir l'appareil et arranger la pellicule. Ceci fait, on rangea un peu et on partit à la soupe. Après manger, ce fut comme d'habitude le « rush » à la télé , où j'arrivai dans les premiers. Ils passaient un film : « L'homme que j'ai choisi ». Ce n'était pas tellement bien.
Lundi 11 novembre
Que ce jour ne me plaît pas ! Par les défilés qu'on doit faire, d'abord, et qui ne sont pas de tout repos, et par le symbole qu'il représente : commémoration de l'armistice de 1919. D'accord, la paix était enfin revenue après tant de ravages, mais pourquoi toujours rappeler qu'il y a eu la guerre, que la France s'était distinguée, qu'on avait gagné, qu'il y avait de la gloire pour tous les vainqueurs ? Et quelle gloire ! Toute sanglante, elle se dresse sur un monceau de cadavres, et je ne vois pas la beauté qu'on peut lui attribuer. C'est plutôt le spectre de la mort. Quand cessera donc cette comédie sinistre qu'est le 11 novembre ? Pourquoi ne pas célébrer alors le souvenir du jour où Clovis battit les Huns, et le jour où le 3ème roi fainéant mourut ?
Donc ce matin, préparatifs. Les juteux sont emmerdants et collants comme des mouches à merde, de peur de se faire engueuler par le Commandant si quelque chose ne collait pas tout à fait bien. Comme si le Commandant viendrait voir sous une armoire pour voir s'il ne reste pas un grain de poussière ! Je suis allé chercher ma giberne au cercle, et à 9 heures je suis à la musique et le défilé dans l'école commence.