Je me nomme Jean Paul LEPERS et je suis né à RUMEGIES le 17 Avril 1944 dans la rue Morimetz, un an avant la fin de la guerre.
Ma première enfance a été simple et je ne me souviens pas avoir souffert des restrictions ou des privations des années d'après guerre. Il est vrai que nous vivions en quasi autarcie, mon père ayant un grand potager , un grand verger et des élevages de lapins, de poules voire de canards.
Ma Mère , moi et mon Père vers 1945
A l' âge de deux ans je rentrais en Maternelle à l' Ecole de l' Immaculée Conception tenue par quatre sœurs, dont la sœur Julie qui s' occupait des petits. Je participais évidemment à tous les événements religieux du village avec leurs processions vers diverses chapelles et les divers déguisements dont on nous affublait , les enfants mais aussi les jeunes filles qui tenaient des rubans multicolores attachés aux statues souvent portées sur un socle par des hommes du village.
Départ en processions, 1946
Et puis à 5 ans ce fut la grande école, celle des garçons située rue de la Caisse en face de nos amis Bazins.
La petite classe qui correspond au CE1 et CE2 était dirigée par Monsieur Michaud que je n'aimais pas beaucoup et qui me le rendait bien.
Départ à l' école 1951
Bien sûr les trajets scolaires se faisaient à pied quelque soit le temps. Il y avait un bon kilomètre jusqu'à l' école et le temps mis pour le parcourir dépendait des merveilleuses découvertes faites en chemin ou des copains rencontrés.
Et puis j' ai eu dans la grande classe , celle qui préparait au Certificat d' Etude et parfois aux examens d' entrée en sixième un excellent maître, Monsieur DEPRET, qui malgré son air bourru et sa sévérité , adorait ses élèves. Je suis resté en excellent terme avec son fils Christian.
Il a convaincu mes parents de me laisser tenter le concours d'entrée en sixième. C'était à l'époque pour eux un grand sacrifice car les enfants de 14 ans , après avoir été reçus au Certificat d'étude travaillaient tous (garçons et filles) dans l'agriculture, les mines ou les diverses industries qui fleurissaient dans le Nord. Ils ramenaient leur quinzaine à la maison et c'était une aubaine pour la famille dans une société qui peinait à se relever de la guerre : beaucoup de travail et petits salaires.
Accompagné de ma mère je passais donc ce concours à Lille surveillé par des militaires impressionnants . Pendant que je planchais ma mère faisait brûler des cierges à l' Eglise Saint Maurice. Peut être que ça m'a porté chance.
Je fus reçu et pour la rentrée scolaire suivante je reçus mon ordre d' affectation à l' Ecole Militaire des Andelys.
Bien que la distance de Rumegies aux Andelys soit d'environ 250 km il fallait presque 10 heures pour y aller en train et mon premier voyage s'est déroulé en voiture accompagné par mes parents. Le retour pour les vacances de Noël, je le fis seul avec le départ à la gare de Gaillon, le train jusqu'à Paris Saint Lazare, le métro jusqu'à la gare du Nord, le voyage en train de nuit( environ 5 h pour faire Paris Lille par le train postal), le car jusque Rumegies.
Voyage vers les Andelys 1955
Les premiers contacts furent excellents , la vie avec de vrais copains me convenait, et nous étions encadrés par de vrais guerriers qui avaient participé à la guerre et surtout aux opérations encore en cours de Corée, d'Indochine ou d' Algérie , de vrais centurions ou des prétoriens que nous admirions beaucoup. Parfois un peu brutaux ils nous encadraient avec cette bienveillance qu'ont les hommes qui ont beaucoup souffert. Certains étaient même des rescapés de Dien Bien Phu. Le syndrome post traumatique était encore inconnu .
Je me souviens toujours avec émotion de ces longues promenades du Jeudi qui aboutissaient presque toujours au célèbre Château Gaillard qui a été le terrain de jeu de presque tous les enfants de troupe des Andelys.
Les professeurs étaient des civils ou de jeunes agrégés qui faisaient leur service militaire qui durait deux ans. Certains parfois étaient affectés en Algérie .Tous étaient très compétents et réussissaient à faire passer leur savoir même aux plus récalcitrants.
Le château Gaillard ; photo prise en 1991Au plan scolaire ce fut un peu moins brillant puisque je redoublais ma quatrième mais j'arrivais tant bien que mal au Premier Baccalauréat avec des notes moyennes qui me permirent de l'obtenir.
Ce fut alors le départ pour l' Ecole Militaire d' Aix en Provence où je m' éveillais sur le plan intellectuel ayant décidé de passer le concours du Service de Santé des Armées. Cette préparation avec celle du deuxième baccalauréat me prenaient tout mon temps et je n' ai pas vu passer cette année 62-63.
Comme nous étions plusieurs à suivre cette voie, nous nous stimulions mutuellement.
J'ai obtenu le deuxième Bac sans problème et je fus reçu 14 ème sur environ 2000 candidats au concours d' entrée à Santé Navale. Le mois d'intégration appelé brimades me fit plus penser à un exutoire pour pervers narcissique qu' à un rapprochement réel entre générations de Navalais, c'est ainsi que nous nous appelions. Je restais un AET avant tout.
En fait nous étions logés, nourris et habillés par la Marine et nous suivions tous les cours à la Faculté de Médecine de Bordeaux. Le régime d'internat nous a permis de lier quelques amitiés durables mais qui n'avaient rien à voir avec la connivence et la complicité que nous connaissions chez les Enfants de Troupe.
Les meilleurs copains ont été et sont restés les AET qui ont été reçus au concours et tous mes camarades de sport .En effet j'étais capitaine de l'équipe de Hand Ball , nous avons été vice champion de France militaire, et nous soutenions en nombre de joueurs l' équipe de rugby souvent en manque d'effectifs.
Les 7 années d'étude se sont déroulées sans problème particulier avec son lot de travail intellectuel bien connu et à la fin du mois de Juin 1970 je fus reçu Docteur en Médecine , détenant en plus les Diplômes de Médecine Aéronautique et de Médecine Tropicale.
Je crus que j'avais atteint le sommet de la montagne mais quelques années plus tard je passais quatre années a préparer une spécialité de Biologie Médicale tout en travaillant à l' Hôpital d' Instruction des Armées de Toulon. J' y reviendrai.
Ma première affectation fut en Juillet 1970 le poste de Sous Directeur par intérim de l'Ecole de Santé Navale.Je passais dans le monde des adultes.
Promotion 1963
Equipe de Hand Ball, 1968 ; je suis en haut , deuxième à partir de la droite et devant moi mon ami Jean Bouloumié un AET
Rugby 1967 . Quatre AET sur la photo, Alain Georges, Michel Peghini et sur mon dos Montels.
Pour faire le compte, l'Armée nous a offert un stage de 4 mois à Paris pour nous préparer à la médecine de Guerre et de 5 mois ( pour ceux qui avaient choisi de servir outre mer hors cadre, détaché au Ministère des Affaires Etrangères ou au ministère de la Coopération ) à l' Ecole du Pharo à Marseille pour affiner nos connaissances en pathologie tropicale et nous préparer à l' exercice de la médecine en poste isolé.
A l'issue ce fut le choix des postes selon le classement et je fus affecté à la Mission Médicale Française au Sahara.
Une petite anecdote : les premiers mots de la Direction de la Mission à Alger « le premier qui a une histoire avec une femme algérienne reprend immédiatement l' avion »
Mon premier poste a donc été la Polyclinique de Beni Ounif en Sahoura algérienne.
Petite structure hospitalière située à une centaine de km de Colomb-Béchar à la frontière avec le Maroc. Seul médecin avec 3 infirmiers formés localement.
Beaucoup de médecine générale, de gynécologie, d' obstétrique, de pédiatrie , de prévention du trachome endémique dans cette région et campagnes de vaccination chez les nomades contre la variole , la tuberculose, le tétanos et le choléra endémique dans cette zone.
Mon domicile était à l'intérieur de l'hôpital si bien que j'étais rapidement au fait des événements qui s' y déroulaient jour et nuit.
Une quinzaine de lits d' hospitalisation, un bureau, deux salles des soins, un local dentaire et c ' est tout. C' est dire qu' il me fallait utiliser tous mes sens ( merci aux cours et travaux pratiques de sémiologie) pour établir des diagnostics parfois difficiles et éviter les transferts trop fréquents sur l' hôpital de Colomb Béchar tenu également par des médecins de la Mission.
La vie était frugale, et parfois exténuante lorsque la température dépassait les 45°, pas de climatisation ni dans l' hôpital ni dans mon domicile. Les rares humidificateurs avaient rendu l' âme depuis longtemps.
Mais ces conditions et mon travail me plaisaient beaucoup . Le désert c'est comme l' océan il est fascinant. Je cite Théodore Monod « Parler du désert, ne serait-ce pas, d'abord se taire, comme lui ... »
Mission de vaccination dans le REG . 1971
A la suite d' ennuis de santé j' eus le regret d' être rapatrié sanitaire et je fus mis inapte a servir outre mer . Le ciel m' était tombé sur la tête.
Après ma convalescence je fus affecté au Centre de Sélection d' Auch. Sans commentaires sur une affectation sans grand intérêt pour moi....
Toujours désireux de repartir outre mer j' ai fait faire par un ami médecin militaire un certificat d'aptitude contredisant le premier et je repartis , cette fois vers la Nouvelle Calédonie.
Donc de 1974 à 1977 j'ai été affecté comme médecin de la Circonscription médicale de Poindimié avec des conditions de travail draconiennes : Interdiction de quitter la circonscription, de garde 24h sur 24 et 7 jours sur 7 pendant un peu plus de 3 ans. A l'issue un congé de 6 mois accordé ou pas selon les nécessités du service. Tous les militaires connaissent cette fameuse phrase, hermétique pour les non initiés.
Au plan médical ce fut une période très riche et aussi exténuante , mais je ne m'en plaignais pas tant j'avais conscience d'être indispensable aux habitants.
Poindimié était une petite ville de 3000 habitants avec un gros hameau où se situait un grand lycée avec un internat mixte et environ 6 grosses tribus réparties pour la plupart dans les vallées .
J'étais le seul médecin avec un dentiste ( qui civil prenait tous ses congés) , pas de sage-femme et trois infirmières formées sur le terrain par mes prédécesseurs.
Je disposais d'une radioscopie qui permettait de prendre des clichés plus ou moins interprétables, d'une structure d' hospitalisation de 12 lits plus 6 lits pour la maternité.
Mes activités étaient très diverses : beaucoup de médecine générale, de pédiatrie , de médecine d'urgence et de petite chirurgie. Je ne consultais pas sur rendez vous mais recevais les malades au fur et à mesure de leur venue quelque soit le jour ou l' heure.
Beaucoup aussi de gynécologie et d' obstétrique , j'ai fait seul 200 accouchements en 3 ans. Les premiers avec mes livres ouverts posés sur un tabouret près de moi.
De la médecine préventive concernant la lèpre et surtout la tuberculose aidé parfois par la gendarmerie de Nouméa qui me permettait d'atteindre facilement le fond des vallées en hélicoptère.
Hélicoptère Gendarmerie en mission de médecine préventive 1975
J'évacuais les cas graves ou hors de ma compétence sur l' hôpital Gaston Bourret de Nouméa soit par route , très rarement car 250 km de piste ne sont pas très agréables pour un malade ou un blessé grave, soit par avion ou hélicoptère si le temps permettait leur décollage.
De plus chaque évacuation devait être motivée et justifiée par un rapport, ah cette administration.....elle a été la hantise de ma vie de médecin. Et pourtant on affirme qu' elle est nécessaire pour ... supprimer des lits .
Pendant cette période j'ai été nommé Commandant.
Je rentrais en France en 1977 et je profitais des six mois de congé pour préparer l'Assistanat de Biologie Médicale à l' Hôpital Robert Picqué de Bordeaux en relation avec l'Ecole du Pharo de Marseille.
En 1978 je fus affecté 6 mois au 15éme RCS de Limoges alors en cours de formation ce qui me permit de continuer ma préparation hospitalière.Je n'avais pas grand chose à y faire , la plus importante étant de tenir compagnie à l'épouse du Général commandant la place qui s'ennuyait et était hypocondriaque. Mon travail le plus important a été d' aller inspecter en hélicoptère les conditions sanitaires des militaires de la région détachés au nettoyage des côtes souillées par le naufrage de l' Amoco Cadiz. Ce fut une orgie de crabes et de cidre.
En 1978 , reçu au concours d' assistanat des hôpitaux et je suis affecté à l' Hôpital d' Instruction des Armées Sainte Anne à Toulon.
Le laboratoire de Biologie Médicale comprenait un chef de service, Bernard Brisou, deux spécialistes en préparation d ' Agrégation , Alain Boudon et Michel Verdier et un autre assistant Alain Georges AET comme moi qui est parti faire son stage à l' Institut Pasteur à Paris .
Outre tous les laboratoires qui se trouvent dans un service de ce type il y avait un Centre de Transfusion Sanguine.
D'emblée je fus affecté à ce Centre et au Service d' Hématologie y attenant me liant de facto avec le service clinique d' Hématologie et d' Oncologie.
Entre les ponctions sternales ou iliaques que je pratiquais personnellement , leurs interprétations et la surveillance de la cohérence des résultats donnés par les différents robots de laboratoire, je contrôlais aussi le Centre de Transfusion et m' occupait des collectes sur les bases militaires de la région ou sur les grosses unités marines comme le Foch ou le Clémenceau. Au cours d'une de ces collectes je rapporte une anecdote croustillante qui montre l'esprit -marine ». A la sortie d'une collecte sur le Clémenceau mon véhicule était en panne et le chauffeur n'arrivait pas à le redémarrer. Fort de mes connaissances en mécanique acquises au Pharo ( eh oui nous avions des cours de base pour pouvoir nous dépanner en brousse dans cette école) je tombe la veste et avec quelques outils je trouve et répare la panne et rentre tout fier dans le service. J'y fus accueilli par un Brisou furieux me disant que ce n'était pas digne d'un officier de réparer un véhicule à la coupée d'un navire de la Royale ; Le téléphone avait bien fonctionné entre le Pacha du Clemenceau ,qui visiblement n'avait pas apprécié et l' HIA Sainte Anne.
Dans le même temps je préparais à Marseille mon CES ( Certificat d' Etude Spéciale) de Parasitologie que je passais sans problème.
Inutile de dire que les journées était plus souvent de 10 à 12 heures et parfois beaucoup plus lorsqu'il fallait préparer des concentrés plaquettaires à la technique encore balbutiante. Ou encore aider les deux agrégatifs à préparer leurs concours.
La deuxième année identique à la précédente me vit seul responsable des services d 'Hématologie et de Transfusion Sanguine tout en préparant et en passant aisément mon CES d ' Hématologie à la faculté de Marseille avec qui je collaborais depuis deux ans.
En outre je donnais des cours et dirigeais les travaux pratiques de biologie médicale destinés aux jeunes Médecins de la Marine dont beaucoup d' affectations étaient des postes isolés sur les navires de guerre , certains sous marins ou dans les terres australes.
La troisième année d' assistanat fut marquée par mon stage de formation à l'Institut Pasteur à Paris où j' obtins cinq Diplômes ( DIA) équivalents à des CES : Bactériologie Systématique, Virologie Systématique, Immunologie Générale, Immunologie Microbienne et Immuno-hématologie. Ce fut une année très fournie avec un retour au bachotage intensif et des nuits très courtes
Ce fut là aussi que je rencontrais des personnalités scientifiques qui ont eu une grande importance pour la suite de ma carrière , je citerai ici Guy Charmot et André Dodin.
Cours d' Immunohématologie
La quatrième année a été celle de la préparation intensive au concours de Spécialité en Biologie Médicale des Hôpitaux qui se déroulait au Val de Grâce à Paris toujours en assurant le travail du service avec l'aide de mon grand ami Alain Jouan .
Je fus reçu et affecté à l'Hôpital National de Nouakchott en Mauritanie.
Que dire de cet hôpital à direction mauritanienne dans lequel il manquait à peu près tout. Cependant je réussis à faire tourner le laboratoire de Biologie Médicale de manière presque satisfaisante.
Etant en pays musulman le seul jour férié de la semaine était le Vendredi .
Les autres jours je commençais ma journée par 16 prélèvements vaginaux, chiffre imposé par le nombre de spéculums réutilisables dont je disposais. Les maladies vénériennes était très fréquentes et souvent récidivantes car il était difficile de traiter le partenaire. La Syphilis et le SIDA couraient aussi les rues et les pistes du désert.
Une épidémie de Choléra m' a également pris beaucoup de temps.
De plus nous en étions aux débuts du SIDA sans aucun moyen pour le dépister.Il fallait tout envoyer à Paris.
A la demande de mes confrères je créais une petite banque de sang .
Je commençais aussi mes travaux de recherche sur la répartition des groupes sanguins, l' incidence du SIDA, le transport du vibrion cholérique par les chameaux qui a été publié à l' Académie des Sciences de Paris en 1985.
Au début de cette période j' ai été nommé au grade de Lieutenant-Colonel.
Grâce à mes contacts parisiens à la Direction du Service de Santé et à l' Institut Pasteur je fus nommé Chef de Laboratoire à l' Institut Pasteur de Madagascar pour y créer une Unité de Recherche sur le Paludisme
L'IPM de nos jours
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Mon Laboratoire au milieu des Jacarandas et des bougainvilliers.
Lorsque je suis arrivé en septembre 1986 ,cet honorable Institut ressemblait à « la belle au bois dormant » avec à sa tête un directeur accroché à sa pipe, présent depuis de nombreuses années , n'ayant rien d'un prince charmant mais qui avait su faire traverser sans dégâts majeurs les nombreuses vicissitudes subies par l' Île rouge depuis son indépendance. Pour la petite histoire j' en connu un autre à partir de 1991 qui était un adepte de « la théorie du cheval mort » et qui avait les dents qui raclaient le plancher. Inutile de dire que je l'évitais au maximum.
La création de l' Unité de Recherche sur le Paludisme a demandé la mise en place de nouveaux matériels souvent très coûteux dont un compteur à scintillation. Celui ci permettait de mesurer la radioactivité des parasites mis en culture auxquels j'incorporais des protéines radioactives précurseurs de l' ADN pour mesurer leurs réactions à diverses substances chimiques ou biologiques.
Je recrutais aussi du personnel presque exclusivement féminin , les femmes se montrant beaucoup plus innovantes, sérieuses et ponctuelles dans leur travail.Les médecins malgaches avaient une excellente formation théorique mais peu de pratique. Mais il était stupéfiant de les voir acquérir rapidement de nouvelles connaissances, la maîtrise des appareils et une grande capacité critique, qualité essentielle de tout chercheur . Leur origine asiatique y est sans doute pour quelque chose.
Je fus mis rapidement dans le bain car quelques semaines après mon arrivée une nouvelle épidémie de paludisme à Plasmodium falciparum, la forme mortelle, se déclenchait sur les Hauts Plateaux entraînant une morbidité et une mortalité majeure.Cette région n' avait pas connu cette forme depuis plusieurs génération, autant dire que les habitants n' étaient absolument pas immunisés et que je pouvais observer in situ le développement de la maladie et ses conséquences immunitaires
Les autorités sanitaires locales en faisaient une épidémie d' hépatite mais en quelques jour de brousse à bord d' une vieille 403 bâchée et d' un microscope de terrain à piles du format d'un petit appareil photo nous avons élucidé l' épidémie et traité tous les malades à la flavoquine peu chère mais déconseillée par l'OMS ( pourquoi !!! ). réduisant la morbidité et la mortalité à zéro.
Dans le même temps, devant les réticences politiciennes, j' écrivais un article que je publiais dans THE LANCET.
Dès sa parution, une semaine après, l'OMS s' inquiéta et je reçus de nombreuses offres de collaboration.
Institut Pasteur à Paris, INSERM, Universités de Grenoble, de Marseille , de Stockholm, d'Italie et du CDC (Centers for Disease Control) d' Atlanta.
Ces collaborations ont amené la mise en place de nombreux programmes de recherche communs ainsi que leur financement.
Cela me permit d' étoffer rapidement mon laboratoire en gros et petits matériels ( microscopes, hotte à flux laminaire, étuves, groupe électrogènes, ordinateurs ...) et en véhicules tous terrains modernes.
Ces travaux m'ont amené des quantités astronomiques de données qu' il fallut analyser et traiter par informatique sur les premiers Amstrad à deux disques souples,l'un pour le logiciel l' autre pour les « data », à qui il fallait « parler » le basic.
L' analyse de toutes ces informations m' a amené à écrire, soumettre aux comités de lecture et publier plus de 150 articles dans la presse médicale nationale et/ou internationale dont 3 dans THE LANCET.
C' est dire si mes journées étaient longues parfois très longues dépassant souvent les 15 heures.
Pour la petite histoire : En cherchant un modèle animal j' ai découvert sur un lémurien une nouvelle espèce de parasite que j' ai appelé « Plasmodium coulangesi, Lepers 1990 » déposé au Muséum d ' Histoire Naturelle à Paris.
Pendant cette période je passais au grade de Médecin Colonel.
Mon séjour initialement prévu pour 6 ans le Ministère de la Coopération m' a demandé de rester un an de plus pour lancer un programme de recherche qu'il finançait avec l' Union Européenne.
Je quittais Madagascar en Juillet 1993 pour gagner le Vietnam en octobre de la même année.
L'Institut Pasteur d' Ho Chi Minh Ville ( IPHCMV) était une très grande structure qui faisait travailler près de 500 personnels , scientifiques, médecins, personnels de laboratoire.
IPHCMV .photo google earth.
Une partie du Personnel de l’IPHCMV
A sa tête une Direction collégiale à laquelle j'étais intégré a titre de Conseiller Scientifique et Chargé de Mission de l' Institut Pasteur.
Il s' agissait de redonner vie à un Institut immobilisé depuis des années à cause des guerres successives qui avaient paralysé le pays.
Inutile de souligner que l' investissement financier était énorme et en grande partie sous mon contrôle.
La première partie de la rénovation a été de reconstruire et d' équiper en matériels un laboratoire d' analyse de Biologie Médicale et de former du personnel . Une partie de celui ci était formé à Paris . Dans ce but je donnais aussi des cours de Français. Cette langue étant de plus en plus abandonnée au Vietnam au profit de l' Anglais.
Je tiens à souligner la facilité et aussi la rapidité du personnel vietnamien pour acquérir des notions scientifiques solides de façon à obtenir des résultats fiables. Mon rôle consistait chaque jour à contrôler ces résultats et à vérifier leurs cohérences.
Comme beaucoup de Vietnamiens ils avaient tous une deuxième, voire une troisième occupation leur permettant de vivre souvent très convenablement.
La deuxième phase de travaux a consisté à mettre en place des Laboratoires de recherche et surtout un énorme laboratoire de recherche sur les arboviroses et les virus émergents.
Dans ce cadre a été construit un laboratoire de type P4 destiné à sécuriser les prélèvements , la manipulation des virus et bien sûr les chercheurs.
Ce laboratoire a été inauguré par François Fillon , alors Ministre de Universités et de la Recherche , en 1995.
Il y a au Vietnam deux autres Instituts Pasteur, à Hanoï et à Nha Trang. Ce dernier avait été fondé par Alexandre Yersin envoyé en Asie pour découvrir l'agent pathogène de la peste qui proliférait a la fin du XIX éme siecle en épidémies redoutables . Et Yersin le découvrit : Yersinia pestis et il élabora même un vaccin.
En outre, il introduisit l' hévéa et développa sa culture faisant du pays l' un des plus gros producteur de caoutchouc.
Il est toujours vénéré par la population qui a construit un pagodon près de sa tombe à Dalat.
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Tombe de Yersin à Dalat avec son pagodon pour brûler des bâtonnets d' encens.
J'ai eu la chance de pouvoir m'y recueillir.
Mon séjour m'a laissé des impressions très mitigées.Je me suis toujours bien entendu avec les autres dirigeants de l' Institut et nous avions des rapports très cordiaux et souvent positifs. Mais lorsque j' entends toujours les gens qui en reviennent dire que le pays est magnifique et que les habitants sont affables et souriants je suis dubitatif. C'est vrai pour le paysage mais pas forcément vrai pour les seconds. Il faut savoir que la position la plus inconfortable pour un asiatique est de « perdre la face » et que le visage souriant est un excellent moyen de cacher les sentiments. Il est vrai aussi que j' ai connu ce pays pendant une période charnière où il s'ouvrait au monde capitaliste. De plus il est toujours très différent de penser découvrir un pays en 15 jours de tourisme dans des hôtels de luxe et en voyage organisé que d' y vivre et d'y travailler plusieurs années.
Un mot aussi sur les diverses associations caritatives qui venaient faire du tourisme sous prétexte d' aider les enfants. Pendant mon séjour le Consulat de France en avait répertorié environ 200 dont certaines avaient des motivations douteuses.
Au bout de 3 ans et bien que les dirigeants soient venus me demander de rester au Vietnam . Ils étaient une dizaine en pleurs à mon départ de l' aéroport, je demandais un changement d' affectation à la Direction de Pasteur direction Dakar.
A Dakar je pris la Direction de l' Institut de Léprologie Appliqué (ILAD) en septembre 1996
C' était une structure hospitalière dont le but était le traitement et la réhabilitation des malades lépreux, le dépistage des nouveaux cas au Sénégal et la formation de léprologues ,la recherche sur les divers traitements.
On y trouvait un secteur d' hospitalisation de 40 lits, un bloc opératoire, une salle de rééducation, une salle de consultation, une salle de cours,un laboratoire et un secteur d'hôtellerie pour accueillir une vingtaine d' étudiants.
Le financement était assuré par l' Ordre de Malte à Paris , le CIOMAL en Suisse et la Coopération Française.
Le personnel hautement qualifié comprenait un chirurgien orthopédiste français, une infirmière et une kinésithérapeute suisses .Deux médecins Volontaires du Service National (VSN) et deux ou trois volontaires bénévoles de l' Ordre de Malte. Il y avait en plus une quarantaine de personnels sénégalais dont deux médecins et un infirmier anesthésiste.
La mission de cet Institut comprenait trois pôles :
Le dépistage, le traitement médical et/ou chirurgical des malades.
Outre les consultations au Centre nous disposions d'une petite équipe de terrain chargée de dépister en brousse les nouveaux cas et de les traiter. Nous avions mis au point un traitement efficace a base de 3 antibiotiques administrés en une seule fois chaque mois pendant 6 mois. Peu onéreux, quelques euros, il ne fut jamais agréé par l'OMS ( pourquoi !!!! )
La réhabilitation qui concernait les malades traités médicalement et/ou chirurgicalement afin de leur amener une qualité de vie correcte et d'effectuer tous les gestes du quotidien, voire de travailler.
La Formation de Léprologues durait environ 2 mois. Elle s'adressait à tous les médecins des pays d' Afrique ou d'Asie . Il y eut même quelques Européens.
Elle consistait en cours théoriques et surtout pratiques en consultations et dans l' hôpital. Elle avait lieu chaque année.
En 1998 je fus nommé Médecin Chef des Services de Classe Normale avec appellation de Médecin Général.
En 2000 j' avais atteint 63 annuités je décidais de prendre ma retraite.
Ne voulant pas rester inoccupé je fis parti de la liste électorale du maire du village breton où j'habitais alors et élu Conseiller Municipal en 2001 . Conscient ou plutôt inconscient que mon expérience pouvait apporter des améliorations bénéfiques au village.
Je déchantais vite . Le pouvoir était entre les mains du maire et de un ou deux adjoints et toutes les décisions étaient déjà prises avant l' arrivée en salle de conseil. Les conseillers étaient là pour entériner et lever le bras.
Je finis par abhorrer ces réunions stériles qui pour la forme durait une partie de la nuit et ne me représentait pas en 2008. Par ailleurs une visite à la Grande Braderie de Lille nous avait convaincu que le Nord, mon pays d' enfance était notre région de cœur et nous nous y sommes installés en 2008. Je me retrouvais chez moi et mon épouse a vite été adoptée et a été séduite par la qualité de vie qui n' a rien à voir avec le ciel gris si présent
Je me tournais alors avec mon épouse vers l' étude de l' art , surtout pictural et architectural.
Pendant des années nous avons hanté les grands musées parisiens et ne citerai que le Musée d' Orsay dont les magnifiques collections et les expositions temporaires fabuleuses nous ont amenés à le visiter plus de 10 fois. Mais les autres aussi sont extrêmement intéressants. Il y en a plus de 25 à Paris dont bien sûr Le Louvre.
Nous avons bien sûr exploré ceux du Nord et surtout d 'Amsterdam ( Musée Van Gogh et Rijksmuseum ). Et aussi ceux de la région Nord qui dispose de collections très riches.
De nombreux châteaux ont également reçu notre visite : Versailles, Chambord, Chantilly, Compiègne.....)
Souvenirs impérissables qui montrent que la France recèle de nombreux trésors.
Pour terminer je vais simplement exposer les diverses récompenses obtenues au cours de ma carrière :
-Officier de l' Ordre National du Mérite
-Chevalier de la Légion d' Honneur
-Médaille de bronze du Service de Santé des Armées
-Médaille d' Outre Mer
-Chevalier de l' Ordre National Malgache
-Commandeur de l' Ordre de Malte
-Commandeur de l' Ordre du Mérite Sénégalais.


















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