Mesdames et Messieurs, chers
amis.
Inauguré
le 6 juillet 1924, notre monument aux morts témoigne, s'il en était besoin, du
courage, du sacrifice et de l'héroïsme dont nos anciens ont fait preuve durant
la Première guerre mondiale. Mais comment interpréter le regard de ces jeunes
soldats qui se détachent en haut relief ? Comment interpréter leur regard
tourné vers nous ?En
partance pour le Front et devinant ce qui les attend, veulent-ils nous dire
« Ne nous oubliez pas ! » ?
A
moins que parcourant la longue liste des noms gravés dans la pierre,
s'interrogent-ils «Et les autres ? » ?« Et
les autres ? », c'est sur cette dernière interrogation que nous nous
sommes lancés à la recherche des oubliés de juillet 1924. Et pour cela nous
avons entrepris un long voyage à travers le temps et l'espace.Munis
des noms de tous nos anciens présents à l'Ecole entre 1887 et 1918 nous sommes
descendus aux Enfers, là où attend cette part de l'humanité victime de la Mort
noire, celle de l'Oubli. Affrontant ces lieux humides et glacials, nous avons
appelé chaque nom l'un après l'autre, comme autrefois lors de l'appel du soir.De
temps à autre, une silhouette s'est levée. Son nom lui étant enfin restitué,
elle semblait nous remercier avec comme l'esquisse d'un sourire sur sa face
diaphane, et nous avons cru entendre « Présent ».
Revenant
de ces longs et épuisants voyages, nos 141 camarades retrouvés, se sont
présentés ici même, en rang par trois comme autrefois, sans distinction ni de
grade ni d'âge.Un
par un ils ont franchi cette stèle en verre, symbole ô combien lumineux de la
résistance au temps. Et, comme par magie, le nom de chacun des
« oubliés » est apparu, photographié à jamais.Enfin
ils se sont retrouvés, les 241 d'hier et les 141 d'aujourd'hui.
Le
grand banquet des anciens enfants de troupe, héros de la Grande guerre peut
enfin commencer.Autour
d'eux les quelques 140 autres anciens élèves, ceux tombés durant la Seconde
guerre mondiale, en Corée, en Indochine, en Afrique du Nord et ceux morts en
service commandé regardent leurs anciens, avec beaucoup d'émotion et de
respect.Et
tous de se rappeler cette strophe de la Marche de l'Ecole militaire préparatoire des Andelys qui proclame,
parlant de notre drapeau :
«
Nous le jurons, nous combattrons et nous mourrons pour sa défense ».Notre
présence, votre présence ici, aujourd'hui, est le signe que la chaîne de la
mémoire n'est pas rompue.Soyons
fiers du travail accompli et œuvrons pour que nos anciens ne retombent pas
dans l'oubli.
Ils
le méritent vraiment.
Jacques Massiat 9 juin 2018.